9 juin 2024, le président de la République dissout l’Assemblée nationale. Le chaos démocratique est désormais imminent, et la nuit promet de s’abattre sur notre pays.
Il nous reste à nous accrocher à l’espoir aussi désespéré qu’inespéré d’une refondation démocratique. À nous mettre à son service. Au cœur de la panique, de la peur et de la fièvre, proposer de la méthode et de la structure peut aider. Quand tout glisse sous nos pieds, je nous invite à ralentir.
Avant de parler méthode, prendre conscience de nos responsabilités.
Jamais de notre vivant le poids d’une voix n’aura été aussi important et jamais le poids des étiquettes n’aura été si faible tant la confusion est grande. Dans chaque circonscription, au premier comme au second tour, chacune et chacun est appelé à choisir pour ou contre le déshonneur de la France.
Pour ou contre la lumière. La convocation de la responsabilité individuelle, chez les électeurs et électrices comme pour les candidates ou candidats, est vitale. L’histoire nous regarde. Nos enfants nous regardent. Nos miroirs aussi. L’extrême droite ne doit en aucun cas diriger le pays. Aujourd’hui et demain. Et après-demain.
Préalable à tout : désistements en cas de triangulaires face à l’extrême droite, comme principe. Aussi longtemps que nécessaire. Sans quoi rien ne sera possible. Et nos votes, y compris à rebours de nos convictions, en cas de risque RN.
Chaque heure, chaque jour, chaque semaine, chaque mois désormais, sans avoir d’horizon rassurant devant nous, nous allons devoir naviguer dans des sables mouvants, des compositions, des recompositions, des gouvernements et des motions de censure, et tenir. Il n’y aura pas de répit.
Les politiques ne sont pas en mesure seuls de réparer la démocratie. Le concours de chacune et de chacun est une nécessité. Pas seulement dans nos votes, dans notre implication dans la vie politique de notre pays.
Il va falloir être solides.
L’affaiblissement la démocratie en France et dans le monde doit s’inverser sous peine de la voir disparaître. Je fonde l’espoir, aussi désespéré qu’inespéré, que nous soyons pionnières et pionniers en opérant sa refondation, ici et maintenant. Je sais que nous en sommes capables.
Comment ? En ralentissant la démocratie pour en prendre soin. Pour la réparer. Pour retisser le lien de cohésion et de concorde nationale. Pour gagner en intelligence, en profondeur, en transformation du réel, en petites puis grandes victoires collectives.
Voici quelques idées pour essayer de remettre un peu de structure et de méthode.
Je nous invite à mettre en œuvre sans délai une version 1 d’une démocratie délibérative.
C’est l’heure. En douceur. Résolument. J’invite le champ de force progressiste et démocrate à se mettre à son service. Cela fait plus de 10 ans que des milliers de femmes et des hommes réparent la démocratie partout sur les territoires. Conventions citoyennes, conseils de quartier, concertations, jugement majoritaire, listes municipalistes, etc. Ces dispositifs ont fait leurs preuves, même imparfaitement, nous ont donné un avant-goût de ce que pourrait être une refondation démocratique du sol au plafond. Il est temps de les mettre en œuvre au niveau national.
En préalable, il nous faut impérativement sortir une fois pour toutes du culte anachronique du chef, de la verticalité et de la brutalité. Ce qui n’empêche en rien l’expression de leadership, ni du conflit.
Ensuite, nous pouvons :
– Proposer un gouvernement et sa tête au Président de la République avec le, très efficace, outil de jugement majoritaire.
– Adopter l’esprit de coopération, l’esprit d’équipe : élaboration d’un contrat de gouvernement négocié le temps qu’il faudra, tout l’été à minima, et s’y tenir.
– Envoyer tous les parlementaires en vacances cet été. À la rentrée, commencer par reconnaître les blessures et panser les plaies personnelles à vif au cœur des coalitions progressistes et démocrates. Les partis politiques crèvent des haines cuites et recuites. Nous ne relèverons pas sans ces étapes de pardon indispensable.
– Embaucher sans délai des facilitatrices et facilitateurs chevronnés à tous les étages nationaux : faciliter le conseil des ministres, faciliter les groupes parlementaires, faciliter les commissions parlementaires. Faire émerger l’intelligence, enfin.
– Réduire le nombre de lois par an. Cinq grandes lois par an maximum pour laisser le temps des délibérations avec tous les corps intermédiaires et les habitantes et habitants des circonscriptions.
– Créer des assemblées locales délibératives dans chaque circonscription, reliées à chaque député.e de la République, chargées d’éclairer les décisions des parlementaires à partir de la réalité vécue par les habitantes et les habitants.
– Faire la même chose au Sénat avec des assemblées locales délibératives d’élu.e.s. Réhabiliter enfin et définitivement le Parlement et ses parlementaires.
– Former massivement les élues et élus locaux et nationaux ainsi que les civils qui le souhaitent à la gestion de crise. Nous ne sommes pas prêtes et prêts à prendre en charge nos réalités environnementales, sociales et sécuritaires et à les transformer.
Je ne suis pas favorable à ce qu’on touche dans les prochains mois à la Constitution. Nos partis sont trop affaiblis. Nos liens sont trop distendus pour faire cela intelligemment.
De surcroît, notre société est polytraumatisée : attentats terroristes qui nous ont atteints au cœur, pandémie mondiale, explosion de la pauvreté et des inégalités, des factures, crises sociales, crispations identitaires, mal-être général sur nos territoires, décompensations psychologiques, délitement visible et éprouvé de nos services publics, crises sociales, inondations, incendies, sécheresse, images insoutenables des attentats du 7 octobre et de la guerre à Gaza, de la guerre en Ukraine. Sans parler du péril Poutine qui menace l’Europe et d’un effet domino avec la probable élection de Trump aux US…
Ces polytraumatismes, nos vulnérabilités n’ont pas été reconnus par les responsables politiques. N’ont pas été analysés avec de vastes retours d’expérience, avec en premier lieu toutes les premières lignes de ces crises (maires, sécurité civile, associations de terrains, soignant.e.s, logistique, corps de l’Etat, etc…). Nous n’avons pas appris. À partir de ces crises et de leurs enseignements, nous n’avons pas élaboré de prise en charge des crises qui vont continuer de s’imposer à nous de façon irrémédiable et accélérée.
La précipitation, de nouvelles brutalités institutionnelles, de grands coups de volant ne nous aideront pas, et menacerons encore un peu plus la cohésion nationale. Commençons simplement à renouer le lien avec le politique, l’éprouvé démocratique, son idéal, dans chaque circonscription, comme au plus haut sommet de l’État et au Parlement, œuvrons à la réhabilitation de nos institutions et de la démocratie, ce sera un bon début.
Prenons soin de nous.
Prenons soin de nos liens.
Prenons soin de la démocratie.