Sur Twitch avec Sylvain Nocquard

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J’étais l’invitée de Sylvain Nocquard, Hecladus sur Twitch, pour parler de la situation politique, de ma campagne législative dans la deuxième circonscription de Paris et de comment prendre soin de la démocratie.

Sylvain Nocquard :  Première question, j’ai envie de te dire comment vas-tu ?

Quitterie de Villepin : Je vais très bien. Je suis en forme, en pleine forme. Je sors d’une matinée de tractage. On a commencé à 8 h avec l’équipe ce matin, à la permanence et on enchaîne toute la journée. Mais tout va très bien. Comme en campagne.

Sylvain Nocquard : J’ai lu sur ton site, en préparant l’entretien, qu’il est écrit : « ensemble, nous montrerons à nos enfants, petits-enfants et aux générations à venir que oui, la politique peut être utile et transformer la vie. » Est-ce que ça veut dire qu’aujourd’hui la politique n’est pas utile ?

Quitterie de Villepin : Alors, ça veut dire surtout que la politique telle qu’elle est conçue aujourd’hui avec nos institutions, avec notre façon de voir les élections, n’est pas à la hauteur de ce que ça devrait être. C’est tout simplement ça, on arrive au bout d’un chemin qui ne nous met pas en capacité d’avoir un impact sur le cours de nos vies.

Ce que je cherche, depuis quelques années maintenant, c’est comment est-ce que cette politique nous permet d’une part, d’être au-delà d’un simple rôle d’électeur, électrice qui est franchement très pauvre et qui n’est pas non plus très digne de ce qu’on pourrait donner.

Comment est-ce qu’on peut aller beaucoup plus loin ? Aujourd’hui, il me semble que les conditions sont réunies pour commencer à construire une autre route politique qui nous mette justement dans cette capacité de mettre à contribution nos énergies, nos intelligences, nos cerveaux pour construire notre destinée commune.

Sylvain Nocquard : Tu disais que ça fait quelques années que tu essaies de construire quelque chose. Alors, justement, qui es-tu Quitterie de Villepin ? Est-ce que tu peux te présenter tout simplement ?

Quitterie de Villepin : Tout d’abord, bonjour à toutes et à tous et merci Sylvain. Je suis heureuse d’être avec vous. J’ai 44 ans, je suis maman de quatre garçons de 19, 17, 10 et 7 ans. Je suis professeur d’innovation démocratique dans un master de communication publique et politique. 

J’ai déjà eu un passé politique : il y a quinze ans, j’ai fait six ans dans un parti politique où j’ai eu des responsabilités nationales. J’ai donc exploré la vie d’un parti, son organisation, et ses conséquences sur les gens. J’ai beaucoup appris de tout ça et j’en ai surtout tiré l’enseignement selon lequel, pour moi en tout cas, un parti politique ne permet pas forcément de préparer des gens à investir des responsabilités politiques.

En effet, dans un parti politique, c’est l’interne, qui prend le plus de place. Et l’interne, ce n’est malheureusement pas la production d’idées et leur mise en œuvre. Au contraire, de plus en plus, les partis politiques ont externalisé la pensée politique, à des think tanks ou au milieu associatif. Ce n’est donc pas l’endroit où se fait le travail de fond : il est fini le temps où une forme d’éducation populaire qui se faisait dans les partis.

Aujourd’hui, l’essentiel de ce qui se passe dans un parti, sont les élections internes pour être investi aux élections d’après. Grossièrement, ce n’est donc qu’une suite de batailles pour être chef de section, puis chef de fédé, et être ensuite investi aux municipales, aux régionales, aux départementales et ainsi de suite. Or à chaque fois, s’engrangent de nouveaux processus de compétition ce qui ne font que générer toujours plus de tensions, de conflits et de divisions. 

Je m’interroge donc beaucoup sur comment, à partir de ça, on peut créer du collectif : comment est-ce qu’on arrive vers les citoyennes et citoyens avec des propositions construites alors que le temps est passé à se diviser au sein du parti et entre les partis?

Moi, j’essaie de remettre de la structure, de remettre des perspectives et de trouver des leviers, des ingrédients pour refaire le lien, retrouver le goût du politique, retrouver vraiment cette mise en capacité d’agir ensemble.

Tout cela, ça a donc été six ans de ma vie, il y a très longtemps. Mais je suis partie fin 2008 alors que je devais être tête de liste aux européennes. J’ai d’abord refusé cette tête de liste aux européennes pour des désaccords sur la formation du Mouvement démocrate. À l’époque, j’étais en désaccord avec l’exécutif du parti qui, pour moi, ne faisait pas ce qu’il fallait pour former de futurs cadres en France, alors qu’on était très nombreux puisqu’après 2007, près de 100 000 personnes rejoignent le Mouvement démocrate et croient dans cette future troisième voie. 

Sylvain Nocquard : Et parenthèse, j’en faisais partie.

Quitterie de Villepin : La deuxième raison, est encore plus profonde. On se souvient en 2005 du Traité constitutionnel européen. Moi, j’avais fait campagne à fond pour le oui: je suis une Européenne de cœur, l’Europe politique me manque et elle continue de me manquer. Quand le non arrive, je verse quelques larmes et je suis très inquiète pour l’Europe, mais les Français ont parlé,  on leur a posé la question et il faut maintenant accepter la réponse. Or, en 2008, le traité de Lisbonne enterre globalement ce non et fait passer par voie parlementaire le texte. 

À ce moment-là, au fond de moi, naît une vraie interrogation. 

C’est la première fois que je me pose la question de ce que veut dire le mot de démocratie. Je n’avais jamais interrogé les mots : la démocratie représentative, la démocratie. J’étais à fond sur le terrain et je croyais que par l’action politique, on allait avoir un impact sur la vie des citoyens.

Mais je réalise que je ne peux pas être députée européenne. Je ne peux pas représenter des millions de Français au Parlement Européen parce que, pour moi, le contrat de confiance est rompu. Quoi qu’on ait répondu à la question, en tout cas, on n’a pas écouté cette réponse et on n’a pas fait en sorte de d’abord réparer ce lien.

C’est donc à ce moment là que je quitte la politique partisane. Et depuis fin 2008, je mets en œuvre d’autres types de processus comme, par exemple, l’expérimentation #MAVOIX il y a cinq ans, aux dernières législatives. Il y a aussi l’aventure Investies avec 60 femmes venues de toute la France pour préparer une nouvelle génération de femmes à investir de responsabilités en politique.

Enfin, depuis sept mois, il y a cette campagne dans la deuxième circonscription de Paris, soit les cinquième, sixième et septième arrondissements. C’est un peu la campagne la plus longue de France et ce n’est pas une flagornerie : c’est juste que personne n’est encore parti en campagne !

Partir de façon indépendante, c’est aussi se donner le temps d’aller chercher les habitantes et les habitants, un par un, une par une, pour leur proposer un nouveau contrat qui relie leur député à elles et à eux tout au long du mandat.

Je crois beaucoup dans le concept de démocratie continue qui a été théorisé par Dominique Rousseau, qu’on a d’ailleurs reçu pour construire ce processus. 

Alors, la démocratie continue, c’est quoi exactement ?

C’est faire en sorte que les gens soient associés au cours du mandat. Ils ne signent pas un chèque en blanc à des personnes qui sont censées les représenter, mais ils sont bien associés au fur et à mesure du mandat. Et l’objectif de cette campagne, c’est d’installer et d’instaurer à l’Assemblée nationale le premier mandat délibératif de France.

Et un mandat délibératif, c’est quoi?

C’est une ligne de crête entre le mandat représentatif d’aujourd’hui tel qu’il a été conçu et dans lequel on représente plus un parti que les gens qui nous ont élus. Donc on vote comme on nous dit de voter, globalement : ou on est pour, ou on est contre l’exécutif. On est parfois pour de manière choisie, même si c’est beaucoup plus souvent très subi, et on est contre de manière un peu systématique. Donc, on voit bien que c’est un peu bloqué à l’Assemblé nationale. 

Ce n’est pas non plus du mandat impératif. Je ne souhaite pas que les personnes disent : voilà, il faut voter ça, absolument, on y va et c’est tout. Je ne serai pas une député relais, une porte-voix transparente. 

Non, je crois profondément à la délibération comme outil puissant de la politique pour nous raccrocher aux décisions qui nous concernent et qui régissent nos vies d’aujourd’hui, mais aussi celle des générations futures.  

La délibération a beaucoup de vertus. On le voit, il y a plein d’expérimentations en France comme les assemblées locales citoyennes, ou la convention citoyenne qui ont ça comme processus au cœur. 

Comment est-ce qu’on se donne du temps et des moyens pour se rassembler autour de l’objet loi ? 

Il faut venir la regarder à partir de nos réalités, de nos perceptions, les confronter les unes aux autres, aller chercher les expertises dont nous avons besoin pour éclairer nos débats, nos controverses et ensuite se positionner.

J’aimerais être la première députée de la République française qui instaure ce mandat délibératif. 

On a travaillé pendant six mois avec exemple des jeunes du master de l’ingénierie de la concertation de Loïc Blondiaux à la Sorbonne. On a aussi travaillé avec des jeunes de Sciences-Po, avec des jeunes qui ont fait les marches pour le climat et qui refusent l’obligation de s’encarter dans un parti politique en revendiquant une autre voie pour avoir un impact dans la vie publique. Et on travaille aussi avec des habitantes et des habitants.

On aurait pu arriver avec une théorie toute faite, en disant, voilà comment on va le faire, mais pas du tout. On l’a construit pendant six mois en faisant venir Dominique Rousseau, mais aussi une députée géniale, Delphine Bagarry ou Armel Le Coz, qui nous a fait une synthèse de toutes ces innovations démocratiques.

Donc, on s’est inspiré du meilleur de ce qui existe en politique aujourd’hui, pour en tirer une une démocratie plus aboutie. Mais on a aussi co-construit à partir des habitantes et des habitants, de leurs aspirations, de leur besoin de compréhension. 

Sylvain Nocquard : La première chose sur laquelle je voulais revenir est un message du chat qui dit : « c’est très rare de voir une partisane du oui de 2005 dire ce que vous venez de dire, d’habitude, c’est plutôt un discours tenu par les tenants du non. Bravo Madame, ça témoigne une cohérence de longue date ». Je suis assez d’accord avec cette affirmation.
La question que je pose aux députés que je reçois, c’est : à quel moment on se dit, je vais me présenter aux législatives, je peux être député,  je me sens légitime. Et ce d’autant plus que l’expérimentation #MAVOIX était plus centrée sur les citoyens que sur le ou la candidate : comment est-ce que tu as fait cette évolution jusqu’à te dire c’est pertinent que, moi, je sois candidate pour arriver à cet objectif de démocratie continue? 

Quitterie de Villepin : C’est l’enseignement de #MAVOIX qui m’a fait renouer avec la joie dans l’action politique dans le champ électoral.

Sylvain Nocquard : Est-ce que tu pourrais rappeler un instant en quoi a consisté l’expérimentation #MAVOIX ?

Quitterie de Villepin : #MAVOIX, au moment des précédentes législatives, il y a cinq ans était une expérimentation. Il n’y avait aucune vérité dans #MAVOIX, d’ailleurs je ne cherche à imposer aucune vérité nulle part, il s’agit toujours de tester des ingrédients. 

Cela prend forme en 2017, mais on avait commencé plus tôt à partir de 2014,. L’idée c’était de prendre les ingrédients d’un parti politique et de les inverser. Donc on voulait faire élire des citoyennes et des citoyens, tirés au sort, qui allaient relayer en temps réel, sur chaque loi, les décisions de tous les citoyens à l’extérieur de l’Assemblée nationale sur une plateforme logiciel libre.

Les députés #MAVOIX n’étaient pas des députés à part entière qui siègent en commission : ce qui nous intéressait, c’était de rebrancher la connexion sur la décision finale d’une loi et de dire pour/contre/abstention sur chacune des lois.

Ces députés étaient d’accord avec ça, les candidates et les candidats ont été choisis par tirage au sort, c’était complètement fou. Il y avait 500 personnes venues de toute la France que personne n’avait jamais vu de leur vie, tirées au sort ce fameux 6 mai 2017 et qui ont été candidates et candidats aux législatives. Mais ce n’était pas pour eux qu’ils étaient candidats, c’était vraiment pour être cette courroie de transmission totalement transparente avec ce qui était dit à l’extérieur de l’hémicycle. 

Pour donner un exemple, je dis n’importe quoi : la loi sur le secret des affaires. Avec 10 députés #MAVOIX dans l’Assemblée, si, sur la plateforme numérique logiciel libre, le résultat est 60 pour 40 contre, 6 députés #MAVOIX votent pour et quatre votent contre. 

Donc, pour être député, #MAVOIX à l’époque, il fallait savoir lire trois mots : pour, contre abstention, pour appuyer sur les bons boutons. Il n’y avait aucun autre pré-requis. Il n’y avait pas de personnification médiatique, pas de compétition.

On a écrit des MOOC sur comment s’approprier les règles du jeu parce que la politique, comme pour le foot, si on ne connaît pas ses règles, on ne peut pas jouer. 

Les affiches étaient un miroir, vous regarderez sur Google, c’était très beau ce miroir en plein milieu de l’affiche. Ce miroir, ce n’était pas Narcisse, c’était qu’il n’y avait pas de visage pour demander aux citoyens et aux citoyennes s’ils étaient prêts à se reconnaître comme êtres pensants, agissants, capables de se déterminer, capables d’être associés à la fabrication des lois.

C’était une interpellation.

Cinq ans après, on a l’impression qu’il y a toujours une surprise sur le fait que ça ne marche plus, mais ça fait quand même un moment que ça ne marche plus très bien. Alors, comment est-ce qu’on se réorganise de façon différente face à l’élection présidentielle ?

Ce que j’ai perçu sur le terrain, c’est qu’il y avait une grande aspiration à un changement démocratique. 

On a fait une partielle vers Strasbourg avec #MAVOIX, en 2016, un an avant l’avènement d’En Marche. Et #MAVOIX a fait 4,25% alors qu’il n’ y avait que deux vidéos qui circulaient sur Internet, ce qui est quand même assez étonnant. 

C’était fou de voir le résultat de seulement quelques affiches et une autre façon de penser la démocratie.

Un an après, déferle la vague En Marche déferler sur la France. 

À ce moment-là, sur le terrain, les gens me disent : ça y est, on est sauvé, Macron va nous sauver, la société civile va entrer à l’Assemblée. C’était fou. Il n’y avait plus rien de rationnel et je les comprends. Je comprends qu’on ait besoin d’espoir, qu’on ait envie d’être sauvé. 

Moi, ce que je disais à l’époque, c’est : je peux comprendre tout ça. En revanche, ça ne peut pas nous exonérer de faire notre part de citoyen et de continuer à penser à réparer nos institutions parce qu’il ne va rien se passer de différent et donc tout était un peu écrit.

Je comprends l’aspiration. 

Je sais aussi que nous devons arrêter de nous reposer et de regarder vers le haut avec espoir. Faisons ce que nous avons à faire. Nous pouvons faire mieux que ce qui existe aujourd’hui. 

Déléguer nos voix, si on a l’impression que ça ne marche pas, ce n’est pas la meilleure option, quel que ce soit celui ou celle qui arrive à la présidence de la République aujourd’hui, demain, après-demain ou dans dix jours. 

La nuance de taille c’est qu’on est dans l’entre deux tours et qu’il est hors de question qu’on se réveille dans quinze jours, un jour, sous un régime d’extrême droite. On a déjà vécu les 7 plaies d’Égypte ces dernières années, entre les attentats, où on a perdu des proches et des amis, les tensions, une situation pré-insurrectionnelle, le COVID… Je ne peux pas imaginer, mais peut-être que je suis dans un déni, qu’on puisse se réveiller sous un régime d’extrême droite. 

Ce que je veux dire sur cette échéance qui est là, c’est que d’une part, on savait en 2017 qu’on avait rendez-vous en 2022. Et je m’interroge si tout a été fait et pensé pour faire en sorte qu’il y ait une réponse construite, solide, qui de toute façon ne pouvait pas être sur les mêmes modalités qu’il y a cinq ans. 

On est cinq ans après, on a compris que, globalement, ça ne marchait toujours pas les institutions, que rien n’avait été réparé entretemps et que, même, ça s’est plutôt aggravé sous cette mandature.

Depuis le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, tout s’est fortement dégradé, notamment à l’Assemblée nationale. On avait cinq ans pour se préparer. Je ne suis pas sûre que tout ait été tenté, puisqu’on est resté dans des couloirs du même jeu. Il n’y a pas de raison que ça change d’une élection à une autre. 

Ce que j’essaie de poser ici, dans la deuxième circonscription de Paris, c’est de dire envisageons ces législatives à leur juste mesure. C’est une élection à très fort enjeu. Ça a été déjà le cas ces dernières années, ces derniers mois.

Essayons de transformer ce mandat parlementaire pour faire la preuve par le terrain, par le vécu et par le réel. 

Cela fait 20 ans que je suis pour la sixième République, mais en fait, il se trouve qu’elle n’arrive pas. Elle n’arrivera pas par le haut. Est-ce qu’on peut mettre à l’intérieur de l’Assemblée d’autres modalités en œuvre pour faire la preuve que c’est possible et entamer un rapport de force pendant toute la prochaine mandature. 

Ce qui me trouble, c’est que c’est possible et que personne ne le fait. Donc il n’y a pas de raison que ça change. Moi, j’engage touts les candidates et candidats aux législatives à y aller. Et maintenant, ça commence à être un peu tard, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. 

Aller sur le terrain. Les personnes en tout cas, ça fait six mois que je le constate, sont ouvertes à d’autres champs des possibles. Ça fait six mois qu’on va leur porter une proposition indépendante des partis. Et quand on leur dit ça : C’est indépendant. Une ouverture se fait. OK, je vous écoute. On peut leur proposer d’autres modalités, un autre pacte, une autre façon de faire. 

Sylvain Nocquard : Un groupe permet vraiment le pouvoir à l’Assemblée. Avec combien de députés penses-tu pouvoir travailler de ton côté, si tu es élue, quand tu seras élue ?

Quitterie de Villepin : Alors, j’en profite tout d’abord pour vous renvoyer à notre consultation sur le site avecquitterie.fr qui aborde cette question ! 

Cette consultation, ça fait deux mois qu’on la porte sur le terrain. Toutes celles et tous ceux qui connaissent l’Assemblée nationale, comme vous qui me posez la question, savent effectivement, mais ce n’est pas très connu, que les députés n’ont pas le même poids s’ils appartiennent ou non à un groupe parlementaire. Sachant que ce n’est déjà pas le même poids entre le groupe majoritaire et les groupes d’opposition. 

Dans la réalité, même dans le groupe majoritaire, on n’a pas de poids. On a du poids que si on est très très loyal, et parfois quand on est loyal au-delà de ce qu’il est raisonnable d’être.

Je pense qu’à l’Assemblée Nationale, telle qu’elle est aujourd’hui, personne n’a de poids du tout : c’est l’exécutif qui impose ce qu’il veut, comme il veut et c’est un peu un jeu de théâtre.

Je pars de ce principe-là : je suis indépendante et je siégerai en tant que non-inscrite à partir du 20 juin dans la prochaine mandature. Évidemment, si je suis élue — et pour ça il faut que j’aille chercher 8500 voix et c’est pour ça qu’on fait campagne comme des fous depuis six mois.

Dans la consultation je demande s’il serait possible d’envisager la construction de nouveaux groupes politiques. L’idée, c’est de dire : on sait qu’au fur et à mesure du mandat, il y a une désaffection des groupes parlementaires parce que les personnes qui siègent par exemple pour la première fois sont souvent très surprises du fonctionnement de ces groupes. Les votes sont quasiment imposés et si on ne vote pas comme il faut, on se fait enlever des moyens, on n’est plus à rapporteur de tel ou tel projet etc. 

Au lieu de subir ce fait-là, j’essaie de voir si les habitantes et les habitants sont prêts, ou ont envie de voir émerger de nouveaux groupes politiques qui ne soient ni dans l’opposition systématique, ni dans la majorité godillots, mais qui se fondent sur une autre matrice politique.

J’en vois deux à date et manifestement ça résonne, en tout cas sur ce territoire. L’idée, c’est qu’en début de mandat, si je suis élue, j’irai voir mes collègues de l’Assemblée nationale pour leur dire : il y a peut-être quelque chose à faire.

Les deux groupes que je propose, c’est un premier groupe où des députés se fédéreraient sur des innovations démocratiques, en se rassemblant autour d’assemblées locales, de conventions citoyennes, ou autre. Donc ça, c’est la première option. Un groupe parlementaire moteur dans l’innovation démocratique 

Sylvain Nocquard : Cela veut dire qu’il n’y aurait pas de consignes de vote de groupe. Le groupe voterait en fonction de l’initiative démocratique dans chaque circonscription de chaque député?

Quitterie de Villepin : Oui. Il s’agirait de faire grandir cette science pratique du « comment on fait avec les gens ? » Le lien est coupé, on l’a vu dans la consultation : dans ma circonscription, les gens n’ont absolument aucune idée de qui est leur député depuis ces cinq dernières années. Ça n’est plus possible. Il faut rebrancher ce lien-là. On travaille en hyper-proximité sur un territoire et on raccroche les gens en politique aux mandats. 

L’autre option pour monter un groupe parlementaire serait de fédérer quatorze autres députés, sur un référentiel commun. Celui que nous proposons, est les deux textes majeurs sur lesquels la France s’est engagée aux yeux du monde; aux yeux des générations actuelles et futures, à l’ONU : l’Accord de Paris sur le climat et les 17 Objectifs de développement durable.

À chaque élection, chacun écrit un programme revendiqué forcément comme le plus intelligents de la Terre, et puis on ne le réalise pas pendant le mandat parce que la réalité est autre.

La France est déjà engagée. Notre responsabilité est déjà engagée. Si Emmanuel Macron ne veut pas respecter l’Accord de Paris, il n’y a aucun problème. Donald Trump n’a pas voulu le faire, il en est sorti.

Mais quand on signe un texte, on s’y emploie et on le met en œuvre.
Aujourd’hui, il n’y a pas de meilleure feuille de route politique.

Je ne suis détentrice d’aucune vérité. Je crois profondément dans le travail de la diplomatie, dans le travail inter-pays : le fameux penser global, agir local. Je crois au cycle des négociations, je crois à l’effort diplomatique, je crois à la société civile qui s’est fait entendre. Je crois aux chercheurs du GIEC qui nous posent depuis 30 ans les mêmes chiffres sous les yeux, les mêmes explications. Donc, toute cette communauté internationale de gens qui pensent et qui savent se sont mis d’accord sur un texte. 

Maintenant, arrêtons de tergiverser, mettons-le en œuvre. Il n’y a plus 1 € à mal dépenser, il n’y a plus une loi à faire passer qui soit en dessous de ce qu’on avait promis qu’on allait le faire. 

Pour moi, ça c’est une matrice politique complètement nouvelle. Cela signifie d’arrêter de se battre à mort entre partis politiques et mettre en œuvre ses engagements, point final. 

En France toutefois, personne n’entend parler des 17 ODD. Au contraire, dans de nombreux autres pays, c’est incarné politiquement. Par exemple, l’expérience de Sanchez de la semaine de quatre jours se fait dans ce cadre de la feuille de route ODD. Au Danemark, le Parlement ne vote pas le budget de l’État s’il ne correspond pas aux engagements pris dans cette feuille de route par le gouvernement. D’autres villes comme New York, Los Angeles, Helsinki, mais aussi la ville de Niort, et plein d’autres villes et collectivités travaillent également avec cette matrice. 

Il faut donc qu’ils deviennent une feuille de route politique pour travailler le budget de l’État, travailler chaque loi pour les rehausser au niveau exigé. Nous avons trois ans.

À l’Assemblée nationale, il existe un groupe d’étude transpartisan, qui n’est pas un groupe politique, composé de personnes géniales. À partir du moment ces personnes sont élues, l’étiquette ne doit pas avoir de valeur et la menace de l’absence d’investiture de doit pas être utilisée pour maîtriser les députés français. 

Au fur et à mesure du mandat, on pourrait donc très bien construire un groupe parlementaire sur cette matrice-là, ce qui serait très opérant pour construire des alliances sur chacune des lois. 

Ces textes sont une très belle matrice pour partir de rien avec les habitants et les habitantes, parce que si ces objectifs quantifiés en dizaines de tableaux Excel ne sont pas très reluisants, ils sont précis, palpables, applicables.

Sylvain Nocquard : Quel est le degré de vulgarisation que tu as besoin de faire aux citoyens sur l’Assemblée nationale ?

Quitterie de Villepin : On ne part de rien, mais comment voulez-vous l’enseigner ? Comment enseigner quelque chose qui est mort ou mortifère, dans lequel on ne croit même plus ? Nombreux sont les professeurs aujourd’hui qui ne croient plus pour eux-mêmes, en tant que citoyenne ou citoyen, que la politique peut avoir un impact sur leur vie. 

Comment enseigner les institutions qui elles-mêmes ne sont plus vivantes, ne sont plus ouvertes, ne montrent plus leur capacité à avoir de l’impact sur le cours des choses ? Je réengage le processus en disant qu’il faut apprendre en marchant. Et c’est parce que nous comprendrons que nous pourrons déverrouiller l’impact. 

Dans cette consultation, nous demandons aux citoyens de qualifier le lien avec leur député. Nous leur demandons aussi de choisir la Commission, l’une des huit, dans laquelle ils pensent que je devrais siéger.

99 % des répondantes et répondants, sur les 1022 réponses à ce jour, disent ne jamais avoir entendu parler de ces huit commissions. Mais, et c’est une bonne nouvelle, les gens, nous remercient toujours d’en avoir appris plus en nous rendant la consultation. 

Comment se réengager alors ? Par la décision : si on ne me donne jamais de choisir l’une de ces huit commissions permanentes, je ne vais pas m’intéresser au fonctionnement parce que je sais que cela n’aura aucun impact. 

Au contraire, si on me demande quelle est celle que je pense être la bonne pour le futur mandat, on se réengage immédiatement. 

Ce qui est beau, c’est que ce sont tous les âges qui s’investissent d’un coup. Des personnes très âgées sont venues directement nous apporter leur consultation à la permanence,  où je vous invite tous, et les jeunes se distribuent les consultations en faisant des débats entre eux. C’est magique. 

Et il y a quelque chose d’assez réjouissant, dans une époque tout de même assez désespérante de voir que la surprise que cela provoque. Les petites étoiles dans les yeux en se disant qu’on peut faire une campagne autre, un mandat parlementaire autre, une autre  démocratie.

Sylvain Nocquard : Mais comment faire campagne sur des thématiques aussi austères que le fonctionnement de l’Assemblée nationale ? Ou les ODD ? Et question subsidiaire, c’est quoi la circonscription sur laquelle tu es ? 

Quitterie de Villepin : La deuxième circonscription de Paris, ce sont les cinquième, sixième et septième arrondissements. C’est une circonscription connue pour être très privilégiée, dans des très beaux quartiers avec de la belle pierre, mais pas que. Il y a énormément d’universités et de facs. On pense à la Sorbonne, à Jussieu, à Assas à Sciences-Po, à Normale Sup, à l’ESPCI, à la Catho. On se souvient de Mai 68 et du Quartier latin. C’est incroyable le nombre d’universités qu’il y a dans cette circonscription. Il y une autre particularité, c’est que c’est aussi la circonscription des lieux de pouvoir. Dans cette circonscription, il y a le Sénat et l’Assemblée mais aussi un nombre de ministères assez important. 

Donc, ce qui est complètement fou quand on démarre cette campagne il y a six, bientôt sept mois, c’est qu’on constate à quel point le lien entre les gens et l’institution est cassé. 

Par exemple, je ne connais pas un scolaire qui ait visité l’Assemblée nationale, alors qu’ils habitent à côté. Donc ce lieu n’est plus un lieu de vie, il n’est plus ouvert.

Ce que je dis dans la circonscription aux habitantes et aux habitants c’est : est-ce que vous vous rendez compte de la chance que nous avons d’habiter dans cette circonscription ? Cela nous donne des devoirs. Il y a tellement de diplômes au mètre carré ici, pourquoi ne pas vouloir donner un coup de main aux des endroits où il y a moins de diplômés au mètre carré ?

Si nous, n’essayons pas d’ouvrir la porte d’un grand coup de pied pour se la ré-approprier, cela sera encore plus difficile encore ailleurs. 

Entre les ronds-points des gilets jaunes aux manifs, à NuitDebout, mais aussi chez toux les citoyens et citoyennes qui ont été faire des grands débats ou qui ont été à la convention citoyenne pour le climat, il y a une forte aspiration à une démocratie plus aboutie. 

Est-ce que nous, ici, pouvons faire quelque chose pour aider à ça ? Est-ce que nous pouvons réparer ce lien-là parce que nous avons un peu plus de temps, un peu plus de moyens, un peu plus de proximité avec ce lieu-là ?

Faisons quelque chose. 

Voilà la manière d’interpeller les personnes. Ce que je leur dis, c’est : je ne vous demande pas de me faire confiance. Je vous demande que vous vous fassiez confiance.

Est-ce que, vous pouvez accorder du temps à la fabrique de la loi ? Oui ou non ?
Vous voulez déléguer ? Pas de problème. Vous ne voulez pas déléguer ? Venez, c’est avec moi qu’il faut travailler.

Faisons quelque chose qui n’existe pas encore ailleurs, parce qu’encore une fois, nous pouvons nous donner un peu de temps, un peu de moyens pour ouvrir cette porte. 

Alors, comment fait-on campagne ?

Déjà, on fait campagne. Cela peut paraître un peu absurde mais pour l’instant, personne ne fait campagne car c’est encore le cycle des négociations. Tout le monde s’étripe: tu m’as trahi, je t’ai trahi, c’est la même histoire partout.

Je trouve personnellement que ce n’est pas respectueux des citoyens et des citoyennes de ne pas aller les chercher sur cette élection majeure qui ne peut être uniquement la troisième mi-temps de l’élection présidentielle. C’est comme cela qu’on tue l’Assemblée nationale. 

Avec l’équipe, nous étions six à la première réunion de septembre et aujourd’hui nous sommes à peu près 26. Nous sommes toutes et tous bénévoles, engagés quotidiennement sur le terrain. 

Et qu’est-ce qu’on fait ? On fait campagne à l’ancienne. On va chercher les personnes sur le terrain : par exemple, on en est à la troisième tournée de toutes les écoles primaires et maternelles de la circonscription.

On fait du porte-à-porte. À Paris, personne ne fait jamais de porte-à-porte, mais là, nous , nous faisons du porte-à-porte. Nous allons voir les commerçantes et les commerçants, un par un, une par une avec cette consultation.

Je ne suis pas un pot de yaourt donc je ne dis pas : votez pour moi.

Non, je vous propose de travailler. C’est moins glamour, mais je ne fais aucune promesse.

Par contre si vous voulez travailler, travaillons ensemble donc nous faisons des réunions mensuelles, où on construit avec les habitants, les habitantes qui le souhaitent, cette fameuse assemblée locale. On a prototypé, modélisé, cette assemblée locale qui sera à activer au premier jour du mandat. 

Nous avons aussi financé cette campagne avec un financement inédit.

Nous sommes la seule candidature, en France en tout cas, à avoir plafonné les dons : je n’ai pas fait de prêt, je n’ai pas mis d’apport personnel. Je voudrais prouver que ce n’est pas parce qu’on est une candidature indépendante des partis qu’on est obligé de travailler avec trois bouts de ficelle.

Non, on peut se donner les moyens de penser en amont et pour ça, il faut partir tôt.
En amont, il fallait un financement qui nous permette de financer la permanence de campagne et de financer l’envoi dans les 72 000 boîtes aux lettres de nos documents et de notre consultation.

On a plafonné les dons à 750 € maximum par personne. C’est dix fois moins que ce qui est autorisé pour les partis politiques en général : 7500 € et 4600 pour les candidates et les candidats. 

On s’est inspiré de plusieurs références, dont Bernie Sanders et Alexandria Ocasio Cortez qui ont refusé les super PAC habituels aux Etats-Unis, mais aussi du travail de Julia Cagé dans Le prix de la démocratie, que j’ai trouvé très juste dans son analyse sur le fait que notre financement des partis obère toute tentative de transformation de nos institutions. 

Nous avons choisi ce mode de financement pour que cette proposition politique soit protégée dans son intégrité et ne soit jamais redevable de quiconque.

Le financement des partis, se fait grâce à l’élection législative. Et on comprend vite pourquoi il y a une vingtaine de candidats par circonscription en général. Parce qu’il y a ce fameux une voix égale 1 €, c’est la banque des partis les législatives, ce qui ne nous permet pas de construire des alliances ou de ne pas se présenter si on n’a rien à dire sur le sujet, comme on est beaucoup de gens à dire voilà, à part dire on va être dans l’opposition. Super ! Mais comment vous allez travailler ? Bon.

C’est possible d’avoir les moyens de travailler si on part en amont, si on fait une belle campagne de terrain, si on finance différemment. C’est possible. 

Il faudrait se renseigner sur d’autres candidatures avec une permanence de campagne. Parce qu’aujourd’hui, les campagnes sont tellement courtes et ne comptent tellement pour rien et que tout le monde en vient à penser que tout va se jouer sur les réseaux sociaux. 

Mais ce n’est pas vrai, avec l’ouverture de la permanence, la campagne a pris une autre dimension, elle a changé radicalement parce que les gens passent, prennent rendez-vous. 

Un coup, c’est la maman présidente de la FCPE, un coup, c’est le curé d’à côté qui passe, un coup c’est le commerçant, un coup, ce sont des passants qui nous disent : C’est joli, madame, votre slogan sur votre permanence, ça veut dire quoi « Prendre soin de la démocratie » ? Est-ce qu’on peut s’engager ? 

L’équipe a doublé, triplé depuis qu’on a ouvert la permanence de campagne. Ancrer une idée physiquement, c’est permettre aux forces de se synchroniser, de se fédérer.

Sylvain Nocquard : Tu as parlé dans ta présentation du collectif Investies auquel tu as participé. J’imagine que ça t’a beaucoup aidé pour préparer cette campagne. 

Quitterie de Villepin : J’étais dans celles qui ont initié le parcours parce que je m’inquiétais du non renouvellement des femmes dans le champ politique : s’il y a eu un mieux sur le plan quantitatif dans cette dernière mandature, cela n’a pas été le cas en termes d’impact, notamment au gouvernement. La société civile en politique, c’est bien, mais en fin de compte, s’il n’y a pas de réseau, on ne pèse pour rien. 

Donc nous avons posé le constat qu’il faut réengager le chemin vers le champ électoral.

Et qui de mieux pour ce faire que des femmes qui se sont battues pendant des années sur les questions du climat, sur les questions sociales, les migrations, les droits ou l’égalité? Nous vous leur avons dit, vous avez deux vertus : vous vous battez pour un sujet que vous connaissez et vous connaissez très bien l’institution, le chemin de la loi n’a aucun secret pour vous Gagnons du temps et réengageons ce chemin vers la politique.

En tant contributrice et participante, j’ai fait ce parcours avec elles et j’ai vite réalisé qu’il me fallait retourner vers le champ politique. Je comprends qu’on ait peur, mais ce que j’essaie de démontrer là, en étant partie très tôt, à mes amies d’Investies, c’est qu’on peut s’émanciper des partis. 

On peut retrouver une joie folle quand on se libère de ces négociations d’investiture. Parce que c’est très compliqué d’attendre les cycles de négociations, ce n’est qu’une suite de promesses sur lesquelles on revient, on menace, on fait miroiter des accords. Cela ne permet pas de libérer les énergies, d’aller chercher les gens sur le territoire. On verra in fine ce qui se passe pour moi.

Je vous assure qu’un autre monde politique est possible. Et j’aimerais vraiment que les femmes d’Investies puissent investir ce champ politique, tout en leur montrant qu’on n’est pas obligé de subir des paramètres qui ne nous permettent pas de faire ce qu’on a à faire.

Sur le site investies.fr, vous pouvez trouver un résumé de 313 pages pour se préparer à être candidate aux élections législatives. C’est faire grandir la connaissance pour qu’on ne subisse plus les jeux d’appareil.

Sylvain Nocquard : Est-ce que tu n’as pas peur que ta candidature soit une candidature de plus qui fasse perdre des voix à un autre camp démocratique au profit des mêmes, plutôt conservateurs ou bien installés?

Quitterie de Villepin : Je pense que la question est à poser aux personnes qui se présenteront dans ma circonscription. À partir du moment où j’ai fait ce constat d’un problème démocratique, je devais agir et je ne peux pas prendre sur moi la responsabilité de la division de la gauche. 

Je ne suis pas responsable de ce qui se passe entre les partis politiques,  je ne suis pas responsable de l’échec de la primaire populaire, je ne suis pas responsable de cette incapacité à dépasser les détestations de son écurie. 

La question pour moi est simple : on m’a proposé une investiture et j’ai refusé parce que je pense je ne veux pas rentrer dans ce jeu. Alors on me répond que si je refuse l’investiture, cela signifie qu’on mettra quelqu’un en face de moi, très bien, chacun fait ce qu’il a à faire. 

Après, l’interrogation c’est : est-ce que le travail de terrain paie encore en politique ? Nous le sauront le 12 juin 2022. Cela nous fera huit mois de campagne et on verra si on se qualifie pour le second tour. 

Sur le terrain, on est vraiment tout seul depuis un grand moment. Le candidat sortant est LREM et rares personnes qui le connaissent parce qu’il n’a pas été relié au terrain du tout, donc c’est extrêmement ouvert.

Sylvain Nocquard : Si ma mémoire est bonne, il y a cinq ans dans cette circonscription Nathalie Kosciusko-Morizet avait subi des agressions au moins verbales. Est-ce que tu perçois une tension similaire toi aussi ?

Quitterie de Villepin : Je ne la perçois pas du tout, en ce qui me concerne. Je pense que c’est en partie dû au fait de nous avoir vus sur les marchés ou devant les écoles pendant de nombreux mois. On voit aussi que la proposition apaise. Lorsqu’on dit que c’est pour une candidate indépendante des partis, les gens nous disent, je vous écoute. 

Pourtant, on sent qu’il y a une crispation, je pense notamment à des camarades du PS qui se sont fait insulter et parfois de manière virulente. Je suis d’ailleurs intervenue à plusieurs reprises parce que ce sont juste des militants et militantes qui donnent de leur temps de vie de famille à mourir de froid tout l’hiver et ils finissent par se faire insulter. Il y a une forme de colère et d’exaspération. 

D’ailleurs, on n’a pas vraiment vu les En Marche sur le terrain, il sont apparus il y a un petit mois, ce qui est tout de même assez étonnant.

Sur ces six derniers mois de terrain on a aussi pu remarquer une perte de repère vertigineuse. C’est incroyable le nombre de personnes qui m’ont demandé pour qui voter aux élections présidentielles. C’est complètement fou, notamment chez beaucoup de personnes âgées, qui ont été à gauche ou a droite depuis au moins 40 ans.  Et à la fois, c’est assez beau ces confidences de personnes qui nous disent d’emblée : je suis perdue, que faire ?  Ma réponse, sur la présidentielle, c’est de dire que je ne peux aider personne et que chacun doit se dépatouiller comme il peut dans l’état des lieux qu’on connaît.

En revanche, il faut vraiment ouvrir une nouvelle porte. Si nous sommes aussi perdus, c’est que ça ne fonctionne plus. Et quand ça ne marche plus, on ferme la porte pour en ouvrir une autre : il n’y a pas d’autres solutions. 

Le phénomène un peu inquiétant quand même, c’est la progression depuis cinq mois des Zemmouristes sur le terrain Or, dans la circonscription les extrêmes droites n’existent pas, ils font entre 3% et 4% à chaque élection. Je n’ai jamais vu quelqu’un tracter pour le Rassemblement National et là cela fait des mois qu’on y voit les Zemmouristes à fond.

Je suis tombée de ma chaise en tractant devant Sciences-Po lorsque des jeunes qui m’ont dit : « Madame vous allez être contente : vous vouliez qu’on s’engage, alors on a pris notre carte chez Reconquêtes ». Ce sont des jeunes qui ont tout reçu, qui sont dans l’école la plus dingue du monde et qui se disent que c’est une fierté de sauver la France de cette façon. Là aussi, le monde a perdu la tête.  

Or, pour le coup, leurs scores ont été assez élevés, ce qui veut dire qu’il y a une naissance de l’extrême droite dans la circonscription. Pourvu que ça ne dure pas. 

Alors, c’est aussi pour ça que le slogan de notre campagne « Prendre soin de la démocratie », revendique beaucoup de douceur dans cette campagne, où les gens ont majoritairement beaucoup souffert. 

Prendre soin de la démocratie, nous, c’est une campagne qui ne tape sur personne. Peu importent les gens en face de nous : ce n’est pas une question de personne, ni d’étiquette. La question c’est, qu’est-ce qu’on apporte comme réponse ? 

Aujourd’hui, il faut construire. Pour l’instant nous continuons de nous entretuer dans un petit bocal, mais le bocal, c’est fini. Qu’est-ce qu’on met en œuvre sans plus attendre ?

Sylvain Nocquard : Le GIEC a introduit dans son dernier rapport le fait que nous avons trois ans pour infléchir nos émissions de carbone et notre stratégie de réduction des gaz à effet de serre. La législature, c’est cinq ans. Comment faire ? Pourquoi expérimenter la démocratie maintenant ? Est-ce qu’on n’a pas besoin de mesures plus autoritaires ? Est-ce que la démocratie, n’est pas le temps trop long par rapport à l’urgence climatique ?

Quitterie de Villepin : J’ai entendu parler il y a déjà quelques années de la dictature verte : « maintenant, nous, les Verts, on a tout compris, on va tout imposer, on va gagner le pouvoir et puis on va tout imposer. » 

Mais c’est n’importe quoi, évidemment que ça ne peut pas arriver. On n’y arrivera jamais comme ça : pendant cette mandature, les gilets jaunes nous on montré les conséquences de l’imposition de règles injustes. La délibération n’a jamais été aussi importante, tant avec les citoyens et citoyennes, qu’à l’intérieur des institutions pour arriver à prendre des mesures fortes.

On a le temps de bien faire. Oui, il y a urgence, mais cela fait 30 ans qu’il y a urgence. 

Il faut faire de manière différente, sortir de l’immédiateté.

Nos lois, ont 20 ans de retard sur la société : tout ce que fait la PAC aujourd’hui entrave le bio, sur les énergies. On est en retard, mais dans la société, cela avance.

Ce qui nous entrave, ce sont les décisions politiques qui ne jouent pas leur rôle d’accélérateur et de démultiplicateur. 

Mais on n’y arrivera pas par le haut, on n’y arrivera pas en imposant. On y arrivera en mettant les mains dans le cambouis, en prenant le réel pour lui-même. 

Sylvain Nocquard : Et bien, bon courage et à très bientôt Quitterie!

Quitterie de Villepin : Merci! N’hésitez pas à venir au local ou aux événements de campagne!

Sylvain Nocquard : Rendez-vous à l’Assemblée nationale dans deux mois !