Tout comprendre aux assemblées citoyennes

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Dans le cadre de notre série Tout comprendre, Quitterie de Villepin et Armel Le Coz, coordinateur de Démocratie Ouverte, collectif d’innovation démocratique, échangent sur les assemblées citoyennes et la vague délibérative qui voit se multiplier les expériences impliquant les habitantes et les habitants sur les questions qui les concernent, à l’échelle locale comme nationale.

Quitterie de Villepin : Bienvenue à toutes et à tous. On avait envie d’abord de vous souhaiter tous nos vœux pour cette année 2022, qui va être très riche, qui va être de grande intensité, une grande année d’intensité électorale, d’intensité politique.

Ce qu’on peut souhaiter pour 2022, c’est plus d’innovation démocratique, plus de dispositifs qui réparent, renouent le lien entre les habitants, les habitants et leurs élus, la place des citoyennes et des citoyens dans les décisions qui les concernent en premier lieu.

Nous sommes dans le cadre, de cette soirée, Tout comprendre aux assemblées citoyennes, dans le cadre de la campagne législative que je porte dans les 5e, 6e et 7e arrondissement de Paris.

Depuis quelques mois, nous travaillons avec une équipe de passionnés des innovations démocratiques, mais aussi des habitantes et des habitants pour construire l’Assemblée locale délibérative dont nous rêvons, qui associerait les habitants, les habitantes, aux délibérations sur les lois qui les concernent. C’est un vaste projet qui nécessite beaucoup de temps, de réflexion, de formation aussi.

On a eu la chance de recevoir Dominique Rousseau, qui a théorisé la démocratie continue. On a reçu aussi Delphine Bagarry, député des Hautes Alpes qui nous a mis dans le bain de comment fonctionnait l’Assemblée nationale aujourd’hui.

Et donc, toute la question, c’est comment est-ce qu’on fait pour faire de la délibération à l’Assemblée nationale alors que la délibération elle-même au sein de l’Assemblée ne fonctionne pas tellement avec ses 300 lois par an, les procédures accélérées ?

Même les députés ont du mal à suivre le rythme.

Et donc, à l’intérieur de ça, comment est-ce qu’on va faire pour pouvoir mettre en œuvre, mettre en place une Assemblée locale délibérative ? C’est tout l’objet de notre travail jusqu’aux élections législatives. Merci Armel, d’être là parmi nous ce soir.

Ce soir, c’est Manuel et Hanieh qui vont animer la soirée et donc je vais vous passer la main et j’interviendrai certainement Armel pour te poser des questions et préciser certaines choses ou rebondir. Merci à toi, en tout cas. Manuel, je te passe la main.

Manuel Ibanez : Bonjour à toutes et à tous, bonjour Armel. Tu es co-fondateur de Démocratie ouverte, tu as une vue d’ensemble, tu as surement une vue de sur de nombreuses initiatives démocratiques qui se font en France et ailleurs. Et c’est pour ça qu’on souhaiterait te poser quelques questions pour alimenter cette idée d’une Assemblée locale délibérative liée à un poste de député, mais aussi pour voir comment fonctionnent des assemblées citoyennes qui ont été mises en place.

Et, peut-être, la première question qu’on pourrait te poser, ce serait est-ce que tu pourrais nous citer un petit peu quelques exemples d’assemblées citoyennes sur lesquelles tu as pu prendre part ou dont tu as eu connaissance et dans quel contexte ça a pu se construire ?

Armel Le Coz : Merci, bonsoir Quitterie, merci beaucoup pour l’invitation. Bonsoir Hanieh, bonsoir Manuel et bonsoir à toutes celles et ceux qui nous écoutent ou regardent.

Déjà, la bonne nouvelle, c’est que je vais être incapable de citer toutes les initiatives d’assemblées citoyennes tellement il y en a qui naissent presque tous les jours depuis probablement la Convention citoyenne pour le climat, à l’échelle nationale en France, qui a un peu fait une forme de précédent et qui a donné envie, qui a mis sous le feu des projecteurs, ce type d’exercice de ce qu’on appelle la démocratie délibérative qui existe en fait depuis les années 60.

C’est loin d’être nouveau.

Et donc, ça a été pratiqué sous différentes formes et sous différents noms, notamment, on a appelé les mini publics, on a appelé aussi des conventions de citoyens, des conférences de consensus, etc.

Chaque fois, il y a des subtilités dans la manière dont peuvent fonctionner ces différents dispositifs. Mais à chaque fois, il y a aussi des grands principes qui sont les mêmes qui sont que, on a un tirage au sort d’un petit nombre, voire d’un grand nombre de citoyens. Mais quand je dis grand, ça va jusqu’à 100, 150, rarement beaucoup plus. Donc, ça reste une proportion relativement faible de toute la population qui est invitée à participer par le tirage au sort.

Et à chaque fois, ces citoyens rentrent dans un processus délibératif, c’est à dire un processus où on prend le temps de construire une opinion collective qu’on va ensuite soit remettre à des décideurs qui sont les commanditaires de la proposition.

Soit, et c’est peut-être un peu ce qui est nouveau aussi depuis deux ou trois ans, avoir un lien plus direct à la décision. C’est ce qu’on a essayé de faire avec la Convention citoyenne pour le climat avoir un lien plus direct à la décision. Et donc pour répondre à la question d’exemples de choses qui sont en train de se passer, en ce moment même, à Poitiers, il y a une convention citoyenne qui est en train d’être construite par les habitants tirés au sort. C’est une assemblée de préfiguration de l’assemblée citoyenne de Poitiers. Il y en a eu pendant le COVID sur le sujet du COVID et la gestion de la crise sanitaire.

Je pense à Grenoble et à Nantes, par exemple. La métropole de Grenoble est en train de lancer quelque chose qu’ils appellent aussi une convention citoyenne. Après, il faut faire attention à regarder un peu, à soulever le capot parce que parfois, le terme de convention citoyenne ou d’assemblée citoyenne étant un peu à la mode, il y a des collectivités qui l’utilisent à plus ou moins bon escient. Donc voilà.

Mais il y a des choses intéressantes qui se sont faites aussi à Nancy. Il y a des Régions qui se sont mises aussi à faire ça. Je pense à la région Occitanie. Là, en ce moment, avec le labo de démocratie ouverte, on travaille sur la question de l’implication des jeunes et des générations futures dans une convention citoyenne organisée par un établissement public territorial qui s’appelle Est ensemble et qui regroupe huit villes de l’Ouest parisien Montreuil, Bobigny, Romainville, Les Lilas, etc. Voilà donc, voilà quelques exemples. Je crois que Rouen vient de lancer sa convention citoyenne aussi.

Et donc, ça fourmille en fait d’assemblées citoyennes.

Peut-être, et là, on est à l’échelle française, sur plutôt des collectivités qui sont des mairies, des métropoles, etc.  Mais il y a aussi pas mal de plus petites collectivités qui mettent en place des exercices de démocratie délibérative ou en tout cas, des exercices dans lesquels il y a du tirage au sort et un vrai processus de démocratie, de construction.

Et puis, à l’international aussi, ça bouge pas mal. Je pense qu’en France, on fait plutôt partie des pays assez dynamiques sur le sujet. Mais il y a d’autres pays qui utilisent beaucoup ces dispositifs de démocratie délibérative.

Je vous renvoie vers un document qui a été produit par l’OCDE. Là, j’ai la version anglaise sous les yeux et je vais la mettre dans le chat. Mais je pense, il me semble qu’elle existe aussi en français, qui fait une étude de tout un tas de dispositifs délibératifs, donc type assemblée citoyenne, à travers le monde et qui en étudie, je crois, presque 80 ou quelque chose comme ça.

J’ai peur de me tromper sur le nombre, mais qui en étudie un grand nombre et qui parle de vague délibérative. Et donc voilà, on s’inscrit vraiment dans ce contexte-là.

Et peut-être une autre référence que je vous partage aussi, c’est un livre de Loïc Blondiaux, qui est un enseignant chercheur, professeur à Paris 1, sur ces sujets là et qui a écrit un bouquin qui s’appelle la vague délibérative, non, le tournant délibératif et qui témoigne aussi de ce dynamisme-là.

Manuel Ibanez : D’accord, merci beaucoup. Et si on zoome un petit peu plus sur la question de comment se composent ces assemblées dont tu nous as dit que l’une des caractéristiques était souvent le choix du tirage au sort ? Mais est-ce que c’est des petits groupes, des grands groupes ? Est-ce que les élus ont une place ou pas ?

Quelle est la place d’experts dans le sujet ? Est-ce qu’il y a différents formats qui ont été choisis ou expérimentés et comment tu les analyserais ?

Armel Le Coz : Alors, il y a plein de choses qui ont été expérimentées, il faut bien voir que dans le terme générique d’assemblées citoyennes, on peut faire rentrer beaucoup de choses différentes avec du coup des compositions différentes.

Très clairement, c’est assez peu intéressant en termes d’effet d’avoir des assemblées qui sont composées de citoyens volontaires, c’est à dire des personnes qui s’inscriraient sur une liste de volontaires et derrière qui seraient soit choisis, soit tirés au sort, parce qu’on reproduit un biais classique de tout un tas de démarches participatives qui est que, c’est toujours les mêmes.

Nous, on les appelle les TLM, comme toujours les mêmes qui participent parce qu’ils se sentent autorisés à participer. Et comme par hasard, c’est souvent plutôt des hommes plutôt jeunes retraités, catégories socioprofessionnelles supérieures et un peu grisonnants.

Et donc, heureusement que ces personnes là s’impliquent de temps en temps, ou souvent. Mais nous, l’intérêt d’une assemblée citoyenne, c’est d’aller chercher une diversité, d’avoir un peu une photographie en miniature de la population d’un territoire.

Et donc, pour ça, le plus intéressant, et ce qui est pratiqué dans la plupart des assemblées citoyennes, c’est d’avoir un tirage au sort aléatoire, dans l’idéal, sur tous les habitants du territoire, en incluant aussi, d’ailleurs, pourquoi pas, des jeunes qui ne sont pas encore majeurs.

Par exemple, pour la Convention citoyenne pour le climat, c’était des jeunes à partir de 16 ans. Sur d’autres, on peut même faire participer des enfants. Là, j’ai expliqué tout à l’heure que l’on fait participer des jeunes à partir de 11, 12 ans, à côté de la convention citoyenne d’Est ensemble, donc, on teste aussi le fait de faire participer les générations futures et d’avoir des jeunes qui parlent au nom des générations futures.

Dans la composition, très important d’avoir des citoyens tirés au sort sur l’ensemble des habitants du territoire et d’avoir des critères de pondération, pour être sûr d’avoir déjà une parité, d’avoir des jeunes, des vieux, des habitants des différents quartiers d’un territoire ou des différents espaces d’un territoire, de faire aussi une pondération en fonction des catégories socioprofessionnelles, d’être sûr d’avoir à peu près le même niveau de non-diplômés que ce qui existe sur le territoire voire même, pourquoi pas, de surpondérer.

Typiquement, si on veut s’adresser aux générations futures, on peut surpondérer un peu le nombre de jeunes par rapport au nombre de moins jeunes. Et donc tout ça, il y a des techniques pour, d’une part, réaliser du tirage au sort, d’autre part, avoir des critères de pondération.

Et après, en termes de nombre, c’est assez variable. En fait, on peut avoir une bonne qualité de travail et de délibération à partir d’un groupe de 8 ou 10 personnes. Mais évidemment, moins on est nombreux et plus on va perdre en diversité. Donc à chaque fois, c’est un curseur à placer au bon endroit en fonction des moyens qu’on a pour animer l’assemblée. Parce qu’en fait, évidemment, animer une assemblée avec 150 personnes ou avec 20 personnes, ça va demander des moyens très différents en termes de salle, de nombre de facilitateurs, de tout un tas d’aspects et donc une bonne qualité délibérative peut exister avec un petit nombre de personnes. Ce qui est recommandé quand même, en général, c’est d’avoir au moins une quinzaine de personnes, une vingtaine de personnes. Et puis, c’est ce que je disais tout à l’heure, ça peut aller jusqu’à 100, 150. Ça peut même aller jusqu’à 1000.

Je pense au G1000 en Belgique, qui est aussi une démarche qui a été assez fondatrice sur la question des assemblées citoyennes, où là, l’enjeu, c’était de réunir 1000 personnes, 1000 citoyens belges.

Ce n’est pas possible, de le faire sur trop de temps, donc ils se sont réunis sur un temps relativement limité, là où une des caractéristiques des assemblées citoyennes, c’est aussi de prendre le temps de débattre et donc de faire revenir les gens.

Manuel Ibanez : Et donc, là aussi, ce sont des choix à faire. Et du coup, la place des décideurs, des élus, il y a aussi des choix différents qui ont été faits ?

Armel Le Coz : Oui, tout à fait. En fait, on a différentes modalités. Soit on a des assemblées qui sont 100% citoyennes, c’est à dire avec que des citoyens non élus. Évidemment, les élus sont des citoyens aussi, mais avec une caractéristique particulière. Soit, on peut avoir des assemblées mixtes.

Je pense à des assemblées qui ont eu lieu en Irlande, par exemple, qui ont débouché sur le mariage pour tous, l’autorisation de l’avortement et donc des changements sociétaux quand même assez forts dans une société qui était relativement conservatrice sur ces sujets-là. Et un contexte politique où les hommes politiques voulaient pas prendre ce risque, qu’ils considéraient, eux, comme un risque politique et donc, ils sont passés par une logique d’assemblée citoyenne mixte. Il y en a eu plusieurs en réalité, une non-mixte et une autre mixte, mais l’assemblée finale, elle mixait des citoyens non élus et des élus du Parlement qui, du coup, ont travaillé ensemble.

Ça peut être assez intéressant, nous, ce qu’on teste là, à Poitiers, dans l’assemblée de préfiguration, c’est justement une assemblée mixte dans laquelle il y a et des élus et des agents et des citoyens, avec quand même une majorité de citoyens pour une question d’équilibre.

Et surtout, c’est très important dans ce cas-là d’avoir une facilitation et une animation très professionnelles, des garants… Et en gros, des garanties que les élus ne peuvent pas reprendre la main et profiter d’une forme d’avantage naturelle du fait d’être plus habitués de la chose politique, d’être peut-être plus experts aussi des questions qui vont être traitées pour prendre la main sur l’assemblée et parfois en fonction du contexte, à une échelle locale, sur des sujets relativement peu politisés, ça peut très bien fonctionner.

Peut-être qu’à une échelle nationale, ça peut être plus compliqué d’avoir une mixité et de mettre sur le même niveau des élus et des non-élus. Par contre, ce qui est tout à fait possible et imaginable, c’est d’avoir une assemblée avec 100% de citoyens non élus, mais d’avoir des relations bien construites et bien imaginées avec par exemple l’Assemblée nationale ou avec des corps constitués, avec le Conseil économique, social et environnemental et des représentants, du coup, de la société civile, avec des représentants de l’administration, etc.

Donc, ce n’est pas parce qu’on a une assemblée 100% citoyenne qu’elle travaille dans son coin, en chambre, sans être en relation même, pourquoi pas, en relation très régulière avec des élus ou avec des techniciens qui peuvent nourrir son travail et qui laissent quand même le dernier mot et la réalité du travail aux citoyens eux-mêmes.

Manuel Ibanez : D’accord. Et du coup, peut-être une autre question, en tout cas que nous on a pu se poser, c’est la question de quelles missions, quels mandats peut avoir l’assemblée ? Donc, j’imagine que ça peut être assez divers, mais aussi comment ça se construit cette définition des missions que va porter l’assemblée citoyenne ? Est-ce que tu as aussi des exemples un peu qui pourraient nous nourrir là-dessus ?

Armel Le Coz : Oui, alors, c’est vraiment une question essentielle parce qu’une assemblée citoyenne, c’est quand même beaucoup d’énergie, souvent beaucoup d’argent, de temps, et donc c’est relativement inefficace, voire contreproductif de déclencher une assemblée sur un sujet qui serait trop minime, qui n’aurait pas une importance réelle. Et donc les assemblées citoyennes, c’est intéressant de vraiment les déclencher sur un sujet relativement ambitieux avec un mandat. Ce qu’on appelle le mandat, c’est un peu la commande qu’on fait à l’assemblée citoyenne, qui soit a un mandat avec de l’ambition. Donc ça, c’est un des éléments importants de la rédaction du mandat.  Ensuite, un autre élément important, c’est d’avoir une commande assez claire et compréhensible par les citoyens, donc un sujet qui, potentiellement, n’est pas trop technique, ou, en tout cas, a une approche qui n’est pas trop technique, même si derrière, on peut rentrer dans la technique.

Mais, faire une assemblée citoyenne sur une question très technique n’aurait pas forcément beaucoup de sens. Souvent, elles ont été pratiquées, par contre, sur des questions sur lesquelles il y avait une vraie controverse scientifique.

Typiquement, il y a eu des assemblées citoyennes sous forme de jury citoyen sur la question de la vaccination, par exemple, sur la question des OGM, sur la question de l’enfouissement des déchets nucléaires, sur des sujets de société, sur lesquels les scientifiques ne sont pas forcément tous d’accord et sur lesquels il y a une forme de controverse scientifique.

Et à ce moment-là, qui de mieux que des citoyens pour écouter les scientifiques qui disent A, écouter ceux qui disent B, écouter ceux qui disent C, et à un moment, débattre, se construire une opinion et trancher ?  Et donc, ça peut être des sujets assez intéressants. Après, il y a un vrai sujet, mais on en reparlera, peut être que le lien à la décision, c’est à dire avoir un mandat sur lequel il est très clair de ce qui va être fait du travail des citoyens. Est-ce que ça va être quelque chose qui est juste pour éclairer la décision d’élus, ce qui souvent est un peu faible et un peu dommage. Est-ce qu’il y a une promesse de reprendre, je vais reprendre une expression qui a beaucoup fait parler pendant la convention citoyenne, mais le sans filtre, de reprendre sans filtre des propositions et de les passer telles quelles devant une assemblée délibérante ? Est-ce qu’il y a une logique de faire le lien entre de la démocratie délibérative, donc des assemblées citoyennes, et de la démocratie directe via le référendum ? Moi, je suis assez convaincu que ça peut être très puissant de relier des assemblées citoyennes à des logiques de référendum. Et donc, le lien à la décision est aussi important. Et puis après, c’est aussi important de ne pas faire de fausses promesses et donc d’avoir un sujet d’assemblée citoyenne qui corresponde aux compétences et donc aux leviers et aux pouvoirs réels de celui qui la déclenche.

Typiquement, une mairie si elle fait une assemblée citoyenne sur les programmes de l’Éducation nationale. En fait, les programmes de l’Éducation nationale, ils sont faits à une échelle nationale en France par un ministère, etc. Et donc, la mairie ne pourra pas y changer grand-chose et donc ça n’aurait pas de sens de faire une assemblée citoyenne sur un sujet comme celui-là.

Bon, là, ça peut paraître évident, mais en fait, les compétences, c’est une espèce de millefeuille, de truc compliqué et donc parfois la collectivité ou l’instance qui lance une assemblée citoyenne n’a pas forcément tous les leviers. Et donc, c’est quand même important de border le sujet aussi pour s’assurer d’avoir suffisamment de leviers derrière par rapport à ce que diront les citoyens.

Manuel Ibanez : D’accord, et comment tu définirais ce que c’est que la délibération ? Qu’est-ce qu’ils font en fait dans cette assemblée-là ? C’est quoi les étapes ?

Armel Le Coz : C’est un mot un peu compliqué, la délibération, parce que, en fait, c’est un mot qui est utilisé dans les collectivités locales pour parler d’une décision. Dans une collectivité locale, on dit une délib ou une délibération et en fait, là, on ne parle pas du tout de la même chose.

Et quand on parle d’assemblée délibérative, c’est en fait un terme pour dire une assemblée qui est une assemblée de construction qui prend le temps de construire l’objet de la décision. Et donc les phases par lesquelles ça passe, c’est d’une part, une fois qu’on a réuni le panel, le groupe de citoyens.

D’abord, il y a souvent quelque chose qui permet au groupe de se connaître, d’être en confiance parce que la confiance est essentielle dans le fonctionnement d’une assemblée comme celle-là. Ensuite, il y a une phase d’information, où on vient vraiment apporter de l’information la plus objective possible, la plus chiffrée possible, la plus argumentée possible, des données probantes pour vraiment nourrir les citoyens du sujet. Parce que souvent, les citoyens qui sont tirés au sort, les personnes sont très peu connaisseuses du sujet. Tant mieux parce que c’est ça qu’on leur demande, c’est d’être dans une forme de nouveauté par rapport au sujet et de ne pas avoir une opinion déjà forgée sur le sujet. Et donc, on vient les nourrir.

Par exemple, si je prends l’exemple de la Convention citoyenne pour le climat, ça a été des experts du GIEC, Valérie Masson-Delmotte, qui est venue expliquer les chiffres du dernier rapport du GIEC. Où en est la situation ? Et donc c’est les citoyens qui, comme ça, prennent de l’information sur le sujet.

Ensuite, il y a un temps de formation, aussi qui va souvent avec, une formation sur le sujet qui est débattu, mais aussi une formation qui peut apporter des éléments pour que les citoyens débattent entre eux, sachent prendre la parole et soient à l’aise pour prendre la parole, puissent construire et imaginer des solutions, etc. Il y a une partie information, formation, ça c’est la première grosse partie.

Ensuite, il y a une partie qui est plus de l’ordre de la construction et du débat autour de solutions. Et donc, là, c’est vraiment un temps qui est plutôt dédié. Alors, soit avec de la créativité pour venir mixer des solutions de personnes qu’on aurait auditionnées en amont, soit pour imaginer des nouvelles solutions, soit pour commencer à débattre et à prioriser des solutions, en disant : telle solution me semble plus intéressante que telle autre, etc. ; à apporter aussi de la critérisation à apporter des critères en disant : si on regarde telle proposition, selon quels critères, peut-être qu’on voit que ça ne sert à rien de la garder parce que telle autre répond beaucoup mieux au sujet ou à la question. Tout un temps de débat.

Et puis, ensuite, on arrive sur un temps de formalisation de solutions, c’est-à-dire que le débat nous amène à garder certains scénarios, à en retirer d’autres.

Et ensuite, il y a un temps d’écriture, potentiellement d’un avis et puis du vote ou de choix final d’une solution. Et donc, ça, c’est la dernière phase qui peut aller jusqu’à l’écriture potentiellement de loi ou l’écriture d’une délibération justement, si on est à l’échelle d’une collectivité locale ou d’un projet ou d’une proposition de loi.

Et donc, là, il peut y avoir aussi des experts qui aident techniquement à rédiger les textes de la bonne manière, mais qui, à chaque fois, doivent être des experts contradictoires, qui ne sont pas forcément d’accord les uns avec les autres pour s’assurer que à cet endroit-là, il n’y ait pas de biais méthodologique et que les citoyens ne soient pas orientés.

Globalement, c’est quelque chose qui est vrai pour l’ensemble de la démarche. C’est s’assurer que, quand il y a de l’expertise qui est apportée, que cette expertise soit la plus équilibrée possible et avec des gens qui qui ont des opinions différentes et ceux qui s’assurent de ça, ce sont les organisateurs.

Et donc soit un comité de pilotage ou un comité de gouvernance, ça peut avoir plusieurs noms, mais des organisateurs qui eux-mêmes ne sont pas forcément d’accord, n’ont pas forcément les mêmes intérêts par rapport au sujet. Et donc vont s’assurer que s’il y a l’expert bidule qui vient et que l’autre expert machin qui ne dit pas la même chose qui vienne aussi.

Manuel Ibanez : Et du coup, j’imagine que tout ça, ça a des temporalités, alors peut être, selon les assemblées, il y a des temporalités différentes. Et aussi quelle régularité, quelle régularité est possible pour rassembler des citoyens qui ne sont pas du tout professionnels de la chose ? Donc, quels ont été les différentes options qui ont été prises ?

Armel Le Coz : Souvent, en fait, les citoyens ils viennent en plus de leur boulot, etc. Donc, souvent, ce sont des choses qui se passent le week-end parce que les citoyens n’ont pas à une espèce de congé citoyen. Nous, on milite pour qu’il puisse y avoir une forme de congé citoyen qui permette à des citoyens de prendre ce temps pour l’intérêt général ou avoir un peu le même système que les jurés d’assises dans la justice ou en fait… D’une part, une fois qu’on est tiré au sort, on n’a pas le droit de refuser, sauf gros sujet et surtout que l’on soit libéré de son emploi sur ce temps-là et qu’on soit rétribué pour le faire.

Mais là, aujourd’hui, ce statut de citoyen participant n’existe pas et donc on bricole pour essayer de trouver du temps et donc les gens prennent sur leur temps de famille, prennent sur leur temps de loisir souvent.

Et donc c’est plutôt le week-end que ça se passe. Et donc, en général, il y a au moins trois, et puis, ça peut être 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 week-ends et il ne faut pas que ça soit tous les week-ends, sinon c’est impossible, surtout qu’il peut y avoir du travail qui est réalisé entre les sessions. Et donc, un bon rythme, en général, c’est d’attendre… de faire un week-end sur sur 3 ou 4, un week-end par mois, quelque chose comme ça, ça, c’est quelque chose qui est relativement souvent pratiqué. Après, il n’y a pas de règle. Encore une fois, tout ça est aussi très expérimental. Il y a beaucoup de choses qui se testent, qui s’améliorent au fur et à mesure. Et donc, il n’y a pas de règle qui dit ça doit être le week-end et ça doit être espacé de tant. Mais dans la pratique et dans ce qu’on observe, qui marche bien, c’est plutôt de faire ça comme ça.

Hanieh Hadizadeh : Une question de Bruno Vinay sur le chat, qui dit qui a le droit de déclencher une assemblée citoyenne ? Quel process ? Et si je résume un peu ce que tu as dit, c’est de dire je donne un mandat à une assemblée citoyenne, je la déclenche parce que moi-même, j’ai la capacité de prendre des décisions. Je suis une collectivité, je suis un maire, je suis une instance qui va pouvoir sur cette assemblée vraiment baser mon action politique institutionnelle. Et quel process ? J’ai aussi l’impression qu’au-delà du droit, c’est j’ai les moyens de le faire. On avait cette question des ressources qu’on voulait aborder avec Manuel. Tu disais que ça coûtait cher, qu’on ne pouvait pas rétribuer. Enfin, d’où vient l’argent ? Est-ce qu’on peut passer à cette question-là ?

Armel Le Coz   : Oui, moi, je commence par saluer Bruno. Et au plaisir, j’espère nous écoute. Tout le monde a le droit en soit tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Et donc qui veut déclenche une assemblée citoyenne. Mais comme tu viens de le dire Hanieh, le sujet, c’est : quel peut être la promesse ? Et donc ceux qui peuvent tenir la promesse de changer la loi, c’est un gouvernement, une Assemblée nationale, les parlementaires et pas beaucoup d’autres personnes.

Mais la société civile peut tout à fait construire et déclencher une assemblée citoyenne avec un processus et une méthodologie très bien construite, mais avec une promesse qui ne sera que de dire : on va essayer de peser sur la décision de telle manière ou de telle autre manière et par la légitimité du processus, et si on réussit à bien le médiatiser, ça peut être un moyen de faire pression pour quelque chose. Notamment, c’est ce qui a été fait par le G1000.

Le G1000 a été créé à un moment, l’exemple belge dont je parlais tout à l’heure, à un moment où il n’y avait pas de gouvernement en Belgique, ou en tout cas, il a fini son travail à un moment où il n’y avait pas de gouvernement en Belgique.

Et l’idée, c’était justement de nourrir un prochain gouvernement, d’essayer de sortir de cette ornière, de cette situation compliquée. C’est ce qui a été fait aussi en Islande, pendant la crise de 2008. Il y a une toute une assemblée constituante qui a été initiée et à l’origine, qui a été initiée par un mouvement citoyen et puis ensuite qui a été repris, et puis, au final, qui a été trahi. Bref, on pourrait revenir plus en détail sur l’exemple islandais qui est assez intéressant, mais qui est né d’une initiative citoyenne.

Et ce que nous, Démocratie ouverte, on essaye de faire là, dans le cadre des présidentielles et législatives de 2022, on a envie de faire en sorte que les candidats déclenchent dans les 100 premiers jours du mandat, une convention citoyenne sur le sujet de la démocratie et des institutions, de la place des citoyens, des pouvoirs et des contre-pouvoirs.

Mais si on ne réussit pas à convaincre un candidat et qu’il la déclenche pas dans les 100 jours, on réfléchit de manière très sérieuse à construire nous-mêmes une assemblée citoyenne pour faire pression ensuite et dire : regardez ce que cette assemblée citoyenne a construit. Mais on n’a pas le pouvoir de changer la Constitution légalement. Donc, du coup, il ne faut juste pas faire de fausses promesses aux gens qu’on tire au sort.

Et donc sur la deuxième question qui est celle des moyens. C’est en effet quelque chose qui coûte cher d’organiser une assemblée citoyenne bien construite. Ce qui coûte cher, c’est notamment le fait de faire venir, de loger, de louer des salles pour les participants. Et plus on a de participants, plus ça coûte cher. Parce que, évidemment, quelqu’un qui va donner beaucoup de son temps, a minima, il faut le défrayer et payer son billet de train pour qu’il vienne. Donc, quand on est sur une petite échelle d’une mairie, il n’y a pas forcément besoin de ça. Mais quand on est sur des échelles qui commencent à être un peu plus grosses, il y a des billets de train, des nuits d’hôtel, des ceci et des cela, des repas, évidemment. Il y a aussi tout ce qui est le fait de défrayer. Nous, on préconise vraiment de défrayer ces citoyens, comme les jurés d’assises, c’est à dire à peu près 80 euros par jour de travail et de présence. Et quand on fait 80 euros, fois X jours, fois X citoyens, pareil, les frais montent très vite. Et puis après, il y a toute l’animation, c’est à dire que ce qui est essentiel dans une assemblée citoyenne, c’est d’avoir une facilitation et une animation la plus professionnelle et la plus indépendante possible. Et donc, ça aussi, ça se paye. Il y a des cabinets, des agences qui font de la concertation, qui font de la démocratie délibérative, de la participation, de la facilitation. Et c’est leur boulot. Et donc, il faut les payer pour le faire. Voilà dans les principaux frais qui sont afférents à une assemblée citoyenne.

Évidemment, il y a aussi la possibilité d’essayer de le faire avec des bouts de ficelle et de le bricoler. Mais c’est le risque d’avoir une qualité délibérative vraiment dégradée et donc un sérieux de la démarche remis en cause.

Manuel Ibanez : Est-ce que si on reste sur la question des moyens, est-ce que l’utilisation du numérique a été testée ? Qu’est-ce que tu as comme retour là-dessus ?

Armel Le Coz : Ça ouvre un sujet que, moi, je trouve vraiment intéressant et sur lequel les assemblées citoyennes sont encore pas très évoluées, pas très matures, c’est l’articulation entre ce qui va se passer dans le mini public, donc l’assemblée elle-même et le grand public, c’est-à-dire si on est à l’échelle de la France, tous les Français et donc via les médias, etc. 

Si on est à l’échelle d’une circonscription, tous les habitants de la circonscription et du coup, dans des choses qui ont été testées mais qui jusque-là ont pas très bien marché, c’est en effet de mettre en place des outils de Civic Tech et donc les plateformes participatives qui permettent à certains moments de venir nourrir l’assemblée citoyenne par des propositions plus largement de citoyens.

Ou quand les citoyens de l’Assemblée citoyenne ont des questions qu’ils voudraient poser à d’autres personnes que des experts, mais de les poser à un plus grand public potentiellement qui puisse les poser sur la plateforme et du coup, avoir des retours, qu’il y ait une forme de dialogue entre ce mini public et ce grand public.

C’est quelque chose sur lequel, pour la convention climat, le comité de gouvernance a décidé de ne pas mettre beaucoup d’énergie là-dessus. Donc, il y a eu une plateforme qui, en fait, a été un peu sous exploitée. C’est un peu dommage, mais là, là-dessus, il y a vraiment des choses à imaginer. C’est en tout cas de manière théorique tout à fait possible de construire une bonne articulation entre ce qui se passe dans le mini public et dans le grand public. Et c’est même vraiment souhaitable. Parce qu’en fait, tout l’intérêt d’une assemblée citoyenne, c’est qu’on a des gens qui vont la plupart du temps changer d’avis ou sur un sujet sur lequel ils n’avaient pas d’avis, se construire un avis et donc ce qu’eux vont vivre dans ce processus-là, si on réussit à le faire vivre aussi à un plus grand public.

En fait, on a un formidable outil d’éducation populaire, on a un formidable outil pour intéresser les gens à la politique. Moi, mon un de mes rêves, un truc que j’aimerais bien tester, c’est en fait d’avoir… Je ne sais pas quelles sont les télé réalités du moment, mais les Loft Story et les Marseillais, je ne sais pas où. Où en gros, on enferme des gens qui n’ont pas grand intérêt à être ensemble autres que parler d’histoires un peu futiles.

Si, on braquait les caméras et on imaginait à peu près les mêmes logiques que ce qui se passe dans la télé réalité, mais sur cet objet assemblée citoyenne avec une vraie dynamique politique, avec des vrais enjeux politiques, etc.

Je pense qu’on peut en faire un objet télévisuel super intéressant et super puissant pour pouvoir être dans cette logique d’éducation populaire. Donc, pour moi, la téléréalité de demain elle devrait s’intéresser et regarder de près les assemblées citoyennes.

Hanieh Hadizadeh   : Ça rejoint les questions qu’il y a en ligne de dire est-ce qu’il y a des formes hybrides, est-ce qu’il y a des formes en ligne. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, non, mais tout reste à inventer, c’est un champ des possibles. Et il y a une autre question également qui dit est-ce que, toi, tu as connaissance d’une assemblée qui serait… Est-ce qu’elles ne sont que temporaires ? Ou est-ce qu’il existe des assemblées citoyennes permanentes en face des assemblées officielles. Est-ce que tu en connais ? Est-ce que ça peut être aussi quelque chose qui pourrait être imaginé ?

Armel Le Coz : Ça peut être un modèle aussi d’avoir des assemblées permanentes.

Moi, je trouve ça potentiellement assez risqué et dommage, parce que l’intérêt d’une assemblée citoyenne, c’est aussi d’avoir des gens qui ne sont pas acculturés à une logique de fonctionnement institutionnel et politique qui, du coup, ne sont pas dans le rapport de force, mais sont beaucoup plus ouverts à de la co-construction et à de l’intelligence collective. Et en fait, on l’a vu même dans beaucoup d’assemblées citoyennes, les citoyens ressortent très différents, après l’assemblée citoyenne.

Et tant mieux parce qu’en fait, souvent, ils ressortent très formés, très acculturés. Mais ils ressortent aussi parfois aguerris à des logiques de rapports de force, à des logiques de prise de pouvoir d’une manière ou d’une autre, etc. Et donc, le renouvellement est assez important. On voit que sur les formes d’engagement, ce qui ne marche pas très bien, par exemple dans les instances participatives comme des conseils de quartier, des conseils citoyens, des conseils de jeunes, etc. C’est qu’on est appelé sur un temps donné, mais on ne sait pas exactement pour quoi faire et on peut être sollicité sur différents sujets, etc.

Et du coup, c’est un engagement qui n’est pas très défini et qui peut durer longtemps. Et c’est ce genre d’engagement sur lequel beaucoup de gens sont plutôt rebutés à s’inscrire dans ce type de démarche là. Là où, à l’inverse, quand on est sur un objet très précis en disant on vous demande sur cinq week-ends de venir travailler sur telle question très précise, l’engagement est beaucoup plus clair.

Il est fini dans le temps et du coup, il y a beaucoup plus de gens qui répondent oui à ce type d’engagement là, donc les assemblées permanentes ont se risque aussi d’avoir une forme d’essoufflement qu’ont moins des assemblées ponctuelles sur un sujet.

Après, un modèle qui est intéressant, c’est d’hybrider des assemblées avec un petit nombre de citoyens qui sont là sur un temps long et un grand nombre de citoyens qui sont là sur un temps court. Je pense par exemple à ce qu’est en train de construire la mairie de Paris. Je ne sais pas exactement où ils en sont de la construction de leur assemblée citoyenne. Enfin, elle est lancée. Mais j’ai des confusions parfois entre toutes les assemblées.

Mais il me semble qu’à un moment, ils partaient sur une logique d’avoir un petit nombre de citoyens qui est là, sur un temps long, mais qui a pour rôle de déclencher des sujets, en fait, et de dire : tiens sur tel sujet, on va déclencher une assemblée citoyenne plus large et donc, à ce moment-là, il y a un tirage au sort qui est déclenché et du coup, un groupe est constitué pour répondre à un sujet et une question. Donc, il peut y avoir comme ça des assemblées sur lesquelles les différents collèges, ont des fonctions différentes et des temporalités et des nombres différents.

Hanieh Hadizadeh : Et ça réagit pas mal sur cette question sur le Facebook Live de dire : « mais on pourrait avoir une assemblée permanente avec des participants, des thématiques qui sont renouvelés, la composition peut changer au cours du temps ». Ça pourrait aussi être cette hybridation-là.

Armel Le Coz : En effet, c’est peut-être bien de dire ça, parce que l’assemblée peut être permanente, mais avec des renouvellements et un turn over, etc. On peut très bien avoir ce dispositif-là qui qui reste, mais avec des sujets différents. Et à chaque fois qu’on a un sujet on tire au sort des nouvelles personnes et donc ça, c’est tout à fait possible et surtout, je pense assez pertinent parce qu’il y a un sujet aussi, c’est quand on a besoin. On gagne en expérience aussi à chaque fois et les personnes qui animent, qui facilitent, mais aussi les commanditaires, etc. Et au fur et à mesure, les dispositifs sont améliorés. Il faut pouvoir capitaliser sur cette expérience et donc avoir une instance, une chambre dédiée aux assemblées citoyennes, par exemple, peut être une bonne manière de garder la mémoire, la méthodologie, de l’améliorer au fur et à mesure. Là où, si, à chaque fois, on fait du one shot, on risque de perdre tout ça.

Donc, pérennité possible de l’assemblée, mais pas de cumul des mandats ou renouvellement. Mais surtout un mandat qui est attaché à un objet, c’est presque limite une sorte de mandat impératif, au sens où voilà le sujet sur lequel vous avez le mandat et votre mandat est de traiter ce sujet, puis, après, vous n’êtes plus citoyen de cette assemblée citoyenne. Ce n’est qu’une partie du mandat impératif, le mandat impératif il va chercher d’autres choses à d’autres endroits, mais en tout cas, il y a cette logique d’un mandat lié à un sujet et pas lié à une temporalité. Le mandat de député, il est lié à une temporalité et on sait que, a priori, on est à l’Assemblée nationale pour les cinq années du mandat.

Hanieh Hadizadeh : Je le pose ici avant que Manuel, tu poses la prochaine question il y a des questions dans le chat qui s’adressent directement à l’assemblée locale délibérative mise en place par Quitterie et l’équipe dans la deuxième circo, je propose qu’on les garde pour après, sachant, je le redis ici, que ces auditions servent justement à aboutir à la forme, donc on ne pourra peut-être pas y répondre. Mais je trouverais ça intéressant, peut-être dans le temps questions-réponses, si vous êtes d’accord, si Quitterie tu es d’accord pour dire on en est là, cette question on ne sait pas, ça, on sait. Voilà, Manuel, je te laisse la parole.

Manuel Ibanez : Oui, j’avais juste une petite question parce qu’on en a parlé rapidement, tout à l’heure, sur la question de la facilitation. Ces nouveaux rôles que ça demande par rapport à la démocratie qui facilitent justement le fait qu’il va y avoir des délibérations qui vont pouvoir se construire. Qu’est-ce que tu observes ? Comment tu vois un peu cette chose-là ?

Armel Le Coz : Je ne suis pas sûr d’avoir compris la question, je suis désolé, est-ce que tu peux la reformuler ou la répéter ?

Manuel Ibanez : Oui, on voit que, du coup, la facilitation peut avoir particulièrement d’importance. Et c’est assez nouveau, on va dire comme rôle, on va dire, si on regarde à l’Assemblée nationale ou comment ça se fait dans les commissions, il n’y a pas spécialement de facilitateurs. Or, on voit que dans les exemples de ce que tu nous a dit, ça a un rôle important. Donc, on voit comme une sorte d’évolution là-dessus. C’est juste, est-ce que tu avais des choses à dire là-dessus ?

Armel Le Coz : Je ne vais faire que paraphraser ce que tu dis, c’est clairement une autre manière de concevoir la politique et la manière de construire une décision ou l’intérêt général. Clairement, aujourd’hui, avec le système de notre 5ème République telle qu’elle fonctionne, on a des partis politiques qui, du coup, définissent dans leur parti, souvent qui ne sont pas très démocratiques à l’intérieur, une ligne politique sur un sujet.

Est-ce que c’est d’ailleurs très débattu ? Est-ce que c’est vraiment en fonction de l’intérêt général ou en fonction d’autres intérêts ? On peut se poser la question. Et derrière du rapport de force à l’Assemblée nationale ou dans les médias, etc. pour défendre telle ou telle position, telle ou telle ligne. Et donc, globalement, assez peu d’intérêt à ce qui peut se passer et assez peu de surprises sur ce qui va se passer dans ces assemblées-là. Là où la démocratie délibérative et les assemblées citoyennes ont complètement une autre logique de prendre des gens qui ne sont pas avec une opinion déjà construite, qui vont être un peu juge de paix et qui vont trancher. Et donc l’expertise est apportée à un autre endroit. C’est-à-dire qu’on ne demande pas aux citoyens d’être experts ni forcément d’avoir une opinion politique au début sur le sujet. Et cette opinion, ils vont se la construire au fur et à mesure. Et ça, la facilitation permet ça et permet de mobiliser des outils d’intelligence collective, des modes de prise de décision comme la prise de décision par consentement par exemple, des modes de vote, etc. etc. qui vont être très différents et qui vont être adaptés par les animateurs aux besoins et à l’objectif de l’assemblée citoyenne elle-même.

Et donc, en fait, c’est quelque chose qui est beaucoup plus efficace parce que ça crée beaucoup moins de blocages. Il y a une volonté de la part et des animateurs, des facilitateurs, qui restent neutres sur le fond, mais qui peuvent être très créatifs sur la forme, et des citoyens, d’avancer, parce qu’en fait, eux, ils n’ont pas d’agenda politique, ils n’ont pas d’intérêt à ce qu’il n’y ait pas de décisions qui soient prises ou à ce que les choses s’embourbent, etc.

Là où, à l’inverse, quand il y a du jeu électoral, finalement ce n’est pas trop mal que la décision ne se prenne pas, parce qu’on pourra taper dessus par la suite, par exemple. Et donc, du coup, il y a tout un tas de biais liés à la construction de la politique publique qui existent aujourd’hui dans notre système classique et général actuel qui sont annulés et transformés par les assemblées citoyennes.

C’est là qu’il y a une puissance très forte de ces assemblées citoyennes et ce n’est pas pour rien que qu’elles connaissent un succès assez important, c’est qu’on sent bien qu’il y a quelque chose.

Mais, tout l’enjeu, ça va être de voir comment est-ce que, alors qu’aujourd’hui, on a une majeur est cette démocratie qui dysfonctionne et une mineure qui sont ces assemblées citoyennes qui viennent produire des choses intéressantes, et bien comment ça s’inverse, et comment on a demain des assemblées citoyennes qui fonctionnent de cette manière-là, avec de l’intelligence collective, et qui pourraient être la manière principale de construire au moins les grandes orientations politiques, voire même toutes les politiques publiques ?

Hanieh Hadizadeh : Si on glisse vers l’assemblée liée au poste de député justement parce que c’est une nouveauté qu’on est en train d’essayer de définir ou de mettre en place sur le mandat de Quitterie. Il y a quelques questions aussi qui tendent vers ça. C’est de dire est-ce que cette assemblée locale déjà, sur 5 ans, est-ce que en même temps trop long ? En gardant en tête, ce qu’on s’est dit sur le renouvellement de citoyens. Il y avait une autre question sur le fait que les citoyens, tu en as parlé se formaient ou apprenaient à débattre, s’aguerrissaient aussi à la prise de parole ou aux méthodes d’intelligence collective. Est-ce que ça peut être aussi, je te pose la question directement de Dominique Filatre, un lieu d’acculturation pour exprimer un point de vue plus efficace des citoyens ? Est-ce que cette assemblée locale peut aussi servir à ça ?

Armel Le Coz : Oui, carrément. Bonjour Dominique. En fait, c’est absolument génial de voir des citoyens qui ressort d’une assemblée citoyenne, c’est à dire des citoyens qui se sont politisés dans le bon sens du terme, pour une très grande partie d’entre eux. Et il n’y a pas de meilleur outil d’éducation populaire qu’une assemblée citoyenne qui fonctionne bien. C’est-à-dire rentrer dans un processus comme celui-là, on en ressort forcément changé. Et il y a des citoyens qui se mettent à s’engager à fond dans des associations, parfois dans des partis politiques, parfois juste à changer complètement leur comportement, leur mode de vie, etc. lié à l’expérience qu’ils ont vécu dans une assemblée citoyenne. Donc, du coup, c’est aussi un outil de formation du citoyen, d’acculturation, qui est très puissant. Après, il faut que ça soit dans des assemblées qui fonctionnent bien, qui jouent bien leur jeu et qu’il y ait une réelle facilitation en intelligence collective etc.

Et après, sur la question est-ce que 5 ans, c’est trop long ? Non. Moi, je trouve que c’est une très bonne idée d’avoir une assemblée qui soit liée à un mandat et du coup, des décideurs qui disent, moi, pour prendre mes décisions. Je vais m’appuyer sur de la démocratie délibérative et sur des citoyens. Il faut que le lien à la décision soit très clair et ce n’est pas obligatoirement de la décision 100% citoyenne.

C’est à dire que ce qui est important aussi, je pense pour un décideur, c’est de poser un cadre et de dire, voilà, moi, le cadre il est à tel endroit et donc j’assumerai jusque-là les décisions qui seront prises par l’assemblée citoyenne, mais pas plus loin. Ce cadre, ça peut être les droits de l’homme, les objectifs du développement durable, tout un tas de sujets. Et si jamais il y a des décisions qui sortaient d’une assemblée citoyenne et qui n’iraient pas dans ce cadre-là, il peut y avoir toute légitimité aussi à un décideur de dire non, ça ne respecte pas ce cadre-là qui était votre cadre et donc je ne prends pas.

Et donc, du coup, avoir une assemblée sur le long d’un mandat, je trouve que c’est très intéressant. Là où c’est plus problématique quand on est député, tout dépend en fait de la configuration. Mais si jamais c’est une députée toute seule qui n’a pas de groupe à l’Assemblée et qui a finalement très peu de moyens de pression ou même juste de moyens d’avoir de l’impact sur la construction de la loi, ça ne va pas être facile.

La configuration est complètement différente si c’est un groupe de parlementaires qui a une minorité, mais qui a quand même un groupe parlementaire avec des niches parlementaires ou un accès à l’agenda parlementaire pour faire des propositions de loi. Et c’est encore mieux, et encore plus différent de députés dans une majorité qui font ça avec leur majorité.

Donc voilà, en fonction des configurations, l’Assemblée citoyenne d’un député sera potentiellement très très différente. Et j’avoue que je n’ai pour l’instant pas encore connaissance des pistes sur lesquelles vous travaillez, donc je suis curieux aussi. C’est beaucoup moi qui parle, mais que vous, vous nous disiez, vous répondiez un peu aussi aux questions du chat sur qu’est-ce que vous prévoyez ? Et moi j’y réagis aussi avec plaisir. J’ai pas mal de questions à vous poser sur ce que vous prévoyez aussi.

Hanieh Hadizadeh : Il est 20h50, on peut ouvrir ce temps-là, moi, je peux vous remonter les questions et peut-être c’est le moment Quitterie que tu partages avec nous où est-ce que l’équipe qui travaille sur cette assemblée en est ? Les questions qu’on se pose et de voir si Armel peut faire avancer nos réflexions. Donc, les questions. Il y a d’abord une question de Marie-Pierre, qui porte sur l’articulation du travail de l’Assemblée avec l’Assemblée nationale. Comment est-ce qu’on appelle les agendas ? Comment on fait les choix ? Est-ce qu’on peut tout anticiper ? Est-ce qu’on peut travailler toutes les propositions du projet de loi ? Est-ce que l’Assemblée citoyenne plancherait, enfin sur quelle taille de décision ? À quelle fréquence ? Est-ce que ça, vous l’avez déjà défini ? Voilà déjà deux questions, si tu veux faire le point.

Quitterie de Villepin : Alors, on n’est pas du tout encore dans le temps des réponses, puisqu’on est encore dans le temps du travail et le temps aussi des auditions. C’est à dire qu’aujourd’hui, on aurait pu partir sur un dispositif qu’on imaginait. Or, on le fait de manière beaucoup plus délibérative, ce qui colle un peu avec cette vision, et cette exigence aussi d’associer les unes, les autres et de nourrir cette future assemblée locale d’autres expérimentations, avec des retours d’expériences.

L’idée étant, on fait partie d’un vaste mouvement, comme tu l’as dit, Armel tout à l’heure, un mouvement mondial où beaucoup de personnes s’inquiètent de l’affaissement des démocraties occidentales et se disent comment est-ce qu’on peut faire pour créer l’évolution de la démocratie ? On a trop longtemps pensé que la démocratie représentative était la fin du chemin. Or, quand on ne travaille pas la démocratie et bien, finalement, elle finit par s’affaisser, par mourir à petit feu.

Et donc dans ce contexte d’affaissement mondial de, démocratie, beaucoup de personnes dans le monde se disent OK, on va créer, relier, sortir peut-être du mandat représentatif, sans non plus tomber forcément dans le mandat impératif. Nous, ici, dans la deuxième circonscription de Paris, on est vraiment sur cette ligne de crête qui est le mandat délibératif. Ce qui veut dire une chose importante, c’est qu’on s’inscrit donc dans la démocratie continue. On n’est pas simplement électeur ou électrice, on est citoyennes et citoyens et on est appelé à prendre et à exercer une part de responsabilité dans la délibération politique.

J’avais envie de vous proposer une petite définition de la délibération qui encore à affiner et à améliorer. Pour moi, la délibération, elle organise les échanges autour des affaires publiques. Après, ça dépend du niveau de collectivité, de laquelle on parle, mais qui associe les personnes qui sont concernées. Et donc, là, en l’occurrence, ce serait associer les habitantes et les habitants aux décisions qui les concernent. Une assemblée locale délibérative, cette délibération, elle repose sur l’écoute mutuelle, ce qui n’existe pas ou peu aujourd’hui en politique, l’enrichissement des points de vue. Je pars de mon réel, mais j’écoute le réel aussi des autres. Et autour d’une même loi, je découvre d’autres réalités le respect, la réflexion, l’intégration de différents points de vue éclairés, d’autres expériences et d’autres récits qui viennent nourrir ma compréhension des enjeux.

Et en fait, l’objectif, c’est quoi ? C’est que cette délibération, elle renforce notre autonomie et nous redonne le goût de la politique.

C’est vraiment ça qu’on cherche aujourd’hui. Le paysage politique est assez pauvre. L’éprouvé démocratique que nous avons est assez pauvre et en fait, on aime toutes et tous, c’est une des grandes caractéristiques des Français et des Françaises aussi, on adore la politique. Sauf qu’aujourd’hui, on ne trouve pas le moyen et la manière de pouvoir être acteurs et actrices de cette politique et donc de rester dans des présupposés, des a priori pour ou contre tel sujet. C’est une expérience un peu pauvre, et donc rester, camper sur ses positions. Et c’est aussi comme ça qu’est structurée notre vie politique, comme tu l’as très justement rappelé. À l’Assemblée nationale, c’est très pauvre en fait.

Quand on regarde ce qui se passe en commission, alors, peut-être vraiment, il faut qu’on amène dans ces endroits-là des facilitateurs, des facilitatrices, des nouveaux métiers, parce que c’est absolument…

Le jeu est déjà joué. C’est un jeu de rôle, en fait, et qui ne n’élève pas le débat et qui ne permet pas aux unes, aux uns et aux autres, de se forger une opinion éclairée. Et donc, pour moi, tout ça, ça a vraiment deux grands objectifs, c’est d’améliorer la qualité des décisions qui sont prises, mais aussi d’améliorer les relations entre nous.

Refaire lien, refaire du collectif, se retrouver autour d’une table, prendre du plaisir à faire de la politique, à parler, à débattre, sortir grandi d’un processus délibératif, avoir appris des choses.

Voilà, c’est ça, pour moi, le but du jeu. Là où on en est aujourd’hui très concrètement, c’est que pour l’instant, on est… On travaille de manière publique et mensuelle lors d’assemblées locales délibératives. Une sorte d’assemblée locale qui préfigure ce qu’on va mettre en œuvre.

Mais pour l’instant, on est vraiment sur, OK, c’était la première partie, c’est quoi la démocratie continue ? C’est quoi la délibération ? C’est quoi cette ligne de crête ? Là, on était plutôt à travailler avec Dominique Rousseau. Puis on a auditionné effectivement Delphine Bagarry pour prendre la mesure, là-aussi, tu as raison, Armel, on ne peut pas être déceptif. On ne peut pas faire des grandes promesses qu’on ne pourra pas tenir. Or, à l’Assemblée nationale, effectivement, un siège de parlementaire ne peut pas faire des miracles, ne peut pas faire grand-chose. Donc, le rythme de l’Assemblée nationale aujourd’hui est même intenable pour les députés.

C’était le sens de la tribune que j’ai écrit dans Libération sur « Réhabiliter le Parlement ». C’est qu’aujourd’hui, on a un vrai très grave problème, sous la 5ème République, et encore plus depuis l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, c’est qu’aujourd’hui, l’Assemblée nationale n’a pas de poids.

L’Assemblée nationale est une chambre d’enregistrement. Point barre. En fait, il n’y a pas de jeu. Une fois en temps, il y a un petit jeu médiatique qui se fait, mais c’est extrêmement rare et c’est très inquiétant. Les parlementaires eux-mêmes n’ont pas le temps de délibérer. Et donc, toute la question, et c’est là où le travail qu’on est en train de faire et qui va se prolonger, notamment dimanche prochain, en ligne, donc, toutes celles et tous ceux qui ont envie de venir contribuer et réfléchir avec nous. C’est se dire : comment est-ce qu’on va faire dans le contexte actuel ?

On ne peut pas le changer. On ne peut pas changer la réalité. À l’Assemblée nationale, il y a 300 lois. Évidemment, personne ne peut délibérer sur 300 lois par an. Mais comment est-ce qu’on va faire pour créer cette interaction avec les habitantes, les habitants de la circonscription ? À quel endroit ? C’est intéressant.

Et donc la dernière fois qu’on s’est retrouvé, on a envisagé, pour l’instant, les portes sont grandes ouvertes, six missions possibles pour cette assemblée locale délibérative. Est-ce qu’elle va délibérer, par exemple, sur des lois qui sont liées au travail de la parlementaire, qui siège dans une des huit commissions de l’Assemblée nationale ?

Peut-être, dans les commissions, on a un peu plus de temps pour regarder un texte, pour pouvoir l’améliorer, pour pouvoir proposer des amendements, pour pouvoir, parce que le temps de la loi, dans les commissions, il est beaucoup plus long.

Ça passe aussi au Sénat, ça revient, peut-être ça pourrait être un endroit très intéressant. Sur l’ensemble des lois, une chose est sûre, une consultation pourrait être mise en œuvre, mais ça reste de la consultation. Il ne peut pas y avoir effectivement de décision, mais peut-être qu’il serait intéressant que les habitants et les habitantes de la circonscription qui le souhaitent puissent se prononcer, un peu comme à l’époque de l’expérimentation #MAVOIX, c’est à dire : mon regard sur cette loi, c’est d’être plutôt pour ou contre, abstention.

Et là, en revanche, ça pourrait être la parlementaire qui justifie en retour en disant : « J’ai bien compris, vous, ce que vous avez dit. Mais voilà, moi, ce que je décide au regard de tel et tel et tel texte ». C’est déjà recréer un lien de confiance, tout au long du mandat. Il pourrait aussi y avoir, mais encore, tout ça est en train doit être vraiment défini. Est-ce que tout d’un coup, les habitants et les habitantes d’une circonscription, s’ils se mobilisent avec un certain pourcentage dans la circonscription, est-ce qu’ils pourraient se saisir de déclencher une assemblée locale délibérative sur une loi particulière sur laquelle ils auraient envie de délibérer ?

Mais encore, tout ça est régi par la contrainte de temps. Notamment dans une Assemblée nationale où les procédures accélérées sont devenues la norme. Donc, les députés ont quinze jours pour découvrir un texte, et trois jours pour amender. Qu’est-ce que ça peut donner ?

Il y a d’autres missions qui seraient intéressantes, il nous semble. On a évoqué, et on n’a pas encore creusé, la mission d’évaluation des lois. Où là, il y en a beaucoup moins par an. Mais c’est aussi très intéressant que les personnes qui sont concernées par une loi qui est en cours d’évaluation à l’Assemblée. Il y en a de 2 à 5 par an. Est-ce qu’on peut réunir ces personnes plutôt a posteriori d’une loi et de voir ce que dans le réel, ça a généré ? Et quels sont les problèmes rencontrés par les personnes concernées ? Ça, ça nous semble être une piste aussi très intéressante.

Après, il y a évidemment une mission de contrôle des habitants, des habitantes sur le mandat lui-même. Donc sur le mandat de la parlementaire. Avoir un regard vraiment précis en lien avec les déontologues, avec la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Mais aussi sur les modalités qui sont mises en œuvre dans l’Assemblée locale. Ça pourrait être une autre mission.

Et puis, il y a la mission aussi de comment est-ce que cette assemblée locale délibérative petit public, s’il devait y avoir petit public, peut partager aussi, pour faire grandir la connaissance, les interactions avec l’ensemble des habitants de la circonscription.

Pour l’instant, les portes sont grandes ouvertes, on n’est pas dans le temps encore du choix. Dimanche, ce dimanche, on va écrire des modalités pour chacune de ces missions. On va se dire OK, s’il devait y avoir une mission d’évaluation, en fait, il y aurait combien de personnes ? Combien de fois elle se réunirait ? Comment elle se déclenche ? De quels moyens ils et elles auraient besoin ? Etc.

Donc, on va décrire des fiches de mission, des fiches, oui, pour chacune de ces missions. Avec des modalités, les moyens mis en œuvre et les métiers dont on aurait besoin pour renforcer tout ça. Et puis certainement, donc là, on écrit ces missions, et puis, le mois d’après, on va aussi auditionner encore des personnes pour venir nourrir ça.

Et puis, effectivement, dans un mois, on sera en capacité de pouvoir commencer à faire des choix. On ne peut pas faire tout, mais peut-être qu’on va trancher sur une ou deux ou trois missions. Ou est-ce que certaines missions se recoupent et sont complémentaires ? Et donc, comment est-ce qu’on va fonctionner ?

Là on était, et ‘était très intéressant et tu y as en partie répondu, Armel, dans la théorie de la démocratie délibérative, dans une assemblée locale délibérative qui est connectée à un mandat, tous les habitants et les habitantes sont membres de droit.

Dans la circonscription dans laquelle on est, c’est 72 000 personnes. Donc, évidemment, comment on fait ? Alors là, c’est 72 000 inscrites et inscrits et c’est 100 000 personnes en tout. Donc concrètement, on a vraiment cet enjeu du nombre et c’est tout là le problème.

Et je veux aussi venir sur la question des moyens qui sont conférés aux mandats. Il n’y a pas beaucoup de moyens qui sont conférés aux députés et donc, du coup, si on veut rester aussi dans un exercice de grande réalité, il y a l’indemnité parlementaire. il y a une enveloppe pour les collaborateurs qui peuvent être au nombre de cinq. Et ensuite, il y a les frais de mandat qui font cinq mille euros par mois.

Donc, là aussi, si on veut monter un dispositif qui tienne la route, il faut prendre en compte ces moyens et trouver des façons de financer ce dispositif, y compris, et là-dessus, je pense qu’on rejoint les autres expérimentations, c’est que ce temps accordé par les citoyennes et citoyens à la délibération, à la vie politique, a une valeur qui est importante pour la société et donc doit être indemnisé au même titre que le parlementaire est indemnisé.

Et donc, peut être que l’idée ce serait aussi de, y compris dans l’indemnité du ou de la parlementaire pouvoir si on partage le travail, peut-être qu’on peut aussi partager les moyens. Et puis, dans cet enjeu aussi, c’est qu’est-ce qui relève du travail de la délibération des citoyens et des citoyennes ?

Mais aussi, comment est-ce que les moyens conférés au mandat dans ces cinq rôles possibles qui travaillent avec la parlementaire, est-ce qu’il y a des nouveaux métiers, des facilitateurs, des facilitatrices, est-ce qu’ils sont là en continu pour désigner ces assemblées locales, en plus d’un travail logistique, en plus d’un travail de communication ?

C’est là-dessus qu’on est en train de réfléchir, mais on avance petit à petit, en se laissant aussi des temps de respiration entre deux assemblées de co-construction pour interroger d’autres personnes, revenir avec de la matière, pour construire notre assemblée locale de nos rêves.

Et encore une fois, ce qui nous semble très important, c’est qu’on documente au fur et à mesure toutes nos étapes et tous nos questionnements. Même si, à un moment on fermera des portes, par souci des réalités, elles seront écrites, elles pourront être rouvertes. Parce qu’évidemment, quel que soit le dispositif qu’on choisit, là, il y a un moment, il faut un instant T où on s’arrête d’écrire et de designer. Il y a un moment, il faut poser un modèle, qui est imparfait. Mais imaginons, ça passe à l’Assemblée en juin prochain, il y aurait une première version de cette assemblée locale délibérative qui serait évidemment chaque année évaluée, ajustée, améliorée.

Et peut-être qu’au fur et à mesure, on pourrait ouvrir des portes qu’on a fermées à un moment donné pour rester dans le réel. Et ce travail qu’on fait aujourd’hui, ici, on le documente aussi pour que ça puisse servir à d’autres personnes, en France. On est en contact actuellement avec d’autres candidats et candidates qui ont le souhait aussi de monter des assemblées locales délibérative. Et donc, l’idée, c’est que le travail qu’on fait ici puisse servir, que le travail aussi des autres puisse nous nourrir et qu’on fasse grandir une culture commune. Pour moi, il y a vraiment un enjeu que des personnes puissent porter cette vision et cette volonté d’organisation du débat.

Enfin, sur ton dernier point Armel sur, oui, bien sûr, un siège parmi 577, ce n’est pas grand-chose. On peut imaginer quand même que… Parce ce qu’en fait notamment, on pourrait dire, je ne sais pas, je dis n’importe quoi, parce qu’on n’a pas décidé, mais peut-être, une fois par an, il pourrait y avoir une co-écriture de proposition de loi par l’assemblée locale délibérative. Ce serait tout à fait envisageable. Une loi, ça peut faire effectivement 40 pages ou 300 pages, mais peut-être qu’une loi, ça peut être aussi plus petit et plus précis sur un sujet donné qui pourrait être choisi par l’ensemble des personnes de la circonscription et un groupe qui travaille sur l’élaboration.

Ensuite, tout est question, et ça, c’est dans la vie, c’est dire, évidemment, quand on est tout seul et non inscrit, c’est difficile de faire passer une loi. Après, il y a aussi une capacité de plaidoyer, c’est à dire que les habitants et les habitants pourraient être associés à faire un plaidoyer au niveau des ministères, puis ensuite au niveau des groupes parlementaires. Il n’y a pas de raison que ça ne puisse pas aboutir, donc je suis assez d’accord avec toi, et même complètement d’accord, il ne faut pas survendre, parce que ça peut être très déceptif, mais en revanche, si c’est clair, au début, voilà ce qu’on va faire sur ce sujet-là, voilà quels sont les moyens et les leviers.

Oui, il va falloir aller à l’assaut des ministères pour essayer de faire passer cette proposition de loi, convaincre d’autres parlementaires de la porter, et c’est possible. En vrai, au fond de nous, là, ce dont on rêve, dans les groupes parlementaires, demain, c’est sûr, à partir de 2022, il va y avoir une reconfiguration politique.

C’est absolument impossible que les groupes parlementaires continuent à travailler de la sorte. En tout cas, dans le champ de forces progressistes, je ne parle pas… Je pense que ça ne va pas bouger forcément chez les marcheurs, ni Les Républicains.

En revanche, on voit bien qu’une recomposition politique qui est à l’œuvre aujourd’hui dans le champ de force progressiste et il pourrait demain y avoir un groupe parlementaire, finalement, c’est que 15 parlementaires qui se fédèrent autour des innovations démocratiques. Vraiment, je pense que c’est quelque chose…

Alors, il va y avoir des candidates et des candidats qui vont porter ces modalités. Mais demain, il pourrait y avoir aussi, dans un moment de reconfiguration importante, des parlementaires qui se fédèrent, et ce n’est rien que 15 députés, sur ce type de pratiques. Je pense que ça peut être une opportunité assez importante et qu’au fur et à mesure d’un mandat aussi, tout ne se joue pas au tout début du mandat, mais peut se faire tout au long d’un mandat, avec les déçus qui quittent leur groupe parlementaire à force d’avoir trop été… subi de menaces sur des consignes de vote, qui peuvent se dire : c’est une bonne idée.

Moi, je pense que c’est vraiment une des optiques importantes et qui est nécessaire. C’est de fonder un groupe parlementaire nouveau avec des nouveaux visages qui ont des nouvelles pratiques politiques et ça pourrait être très intéressant.

Hanieh Hadizadeh : Ça va dans le sens d’une remarque de David qui dit : voilà, toi, tu peux dans les commissions auxquelles tu participes, montrer la pertinence de l’assemblée de ta circonscription et aussi faire cette profession de foi. Armel, merci, parce que tu partages, il y a énormément de commentaires et Armel t’écoute et en même temps partage des liens, notamment sur les lignes rouges, sur les assemblées populaires. Et je pense que ça répond à la première question d’Ali, qui disait : conventions citoyennes quelles sont les dérives ? Qu’est-ce qu’on peut vraiment appeler citoyen ou pas ? Et si tu veux réagir à ce que Quitterie vient de poser ? Et si tu as des conseils, beaucoup de personnes te demandent des conseils pour l’Assemblée locale.

Armel Le Coz : J’ai l’impression que vous êtes déjà bien calés, mais ça ne m’étonne pas, évidemment, parce que tu as complètement bien formulé les différents enjeux et je trouve ça génial de construire cette assemblée citoyenne de cette manière-là, en prenant le temps de la réflexion, de l’audition, et puis, en posant le principe que ça sera quelque chose qui va être évolutif. Moi, je suis assez d’accord avec ce que tu viens de dire Quitterie sur le fait que ce n’est pas du tout impossible qu’il y ait un groupe de parlementaires qui se retrouvent là-dessus et qui, en fait, se retrouvent sur la méthode. Et c’est en cela que, on peut être en désaccord profond sur tout un tas de sujets, mais être d’accord sur la démocratie, en fait, c’est dire sur le fait que la meilleure manière de trancher les désaccords, c’est un processus de qualité dans lequel on vient mettre des arguments, etc. etc. Et donc, du coup, là-dessus, j’ai plutôt l’intuition. Après, j’ai évidemment une bulle de filtres gigantesque, du fait d’être le nez dans le guidon de ces questions-là au quotidien. Mais j’ai quand même plutôt l’intuition que ce sujet est en train quand même de beaucoup progressé dans la société.

Démocratie ouverte, on existe depuis 10 ans maintenant, bientôt 10 ans, et pendant longtemps, on avait l’impression de crier dans le désert et c’est le cas aussi avec ce que tu as fait, avec #MAVOIX etc. où c’était une période où ce n’était pas encore complètement mûr.

Je pense qu’un #MAVOIX aujourd’hui aurait sûrement une autre ampleur et un autre écho. Et on l’a vu, les gilets jaunes ont vraiment mis tout de suite le sujet du référendum d’initiative citoyenne, donc un sujet démocratique et la question du pouvoir citoyen sur les ronds-points. On a vu le grand débat, même s’il a accouché d’une souris qui a plutôt bien pris, en termes de nombre de participants et de démarche, la convention citoyenne, les municipales avec pas mal de listes citoyennes et participatives.

Voilà, tous ces marqueurs-là montrent bien que cette question de la démocratie, de la manière de faire, elle n’évolue pas que dans le mauvais sens. Il y a tout le mauvais sens, de plus en plus d’abstention, d’indicateurs qui montrent que notre système politique dysfonctionne en profondeur, mais aussi le revers positif de la médaille, c’est toutes ces expériences et tous ces acteurs qui sont prêts à aller plus loin sur ce sur ce sujet-là. Et voilà, ce que tu décrivais, ça me faisait penser au groupe EDS écologie, démocratie, société avec Matthieu Orphelin, Paula Forteza etc. qui, notamment dans les travaux de la Convention citoyenne pour le climat, ont réussi à construire un groupe très éphémère, parce qu’il y a un député qui est parti ou une députée qui est partie, en l’occurrence à un moment, mais qui commençait à mettre ces sujets-là et à mettre de l’énergie et du temps et des assistants parlementaires sur ce sujet-là.

Donc, en effet, pas du tout impossible que ça voie le jour sur la prochaine mandature. Et tant mieux.  Enfin, dans l’idéal, ça va beaucoup plus loin que ça. Dans l’idéal, on réussit notre campagne Faire gagner la démocratie. Et il y a une convention citoyenne qui rebat complètement les cartes avec un Parlement qui fonctionne complètement différemment d’ici 2 ou 3 ans.

Mais je dirais, même au pire, et même si on reste dans une logique un peu pessimiste où il n’y a pas de transformation structurelle du fonctionnement de notre 5ème République. En effet, ce n’est pas du tout impossible d’avoir des vrais espaces pour tester et pour se donner les moyens. Peut-être un sujet qui n’a pas été beaucoup évoqué, mais qui est aussi quelque chose possible, je pense à François Ruffin et à la manière dont il pratique son mandat de député, finalement, presque plus comme une tribune et une manière de médiatiser des sujets, une manière de faire évoluer l’opinion publique sur des sujets. Donc, certains vont dire que c’est que de la com ou d’autres diront que c’est en fait quand on a un parlement aussi chambre d’enregistrement et aussi faible, ça peut être une bonne manière d’utiliser le Parlement. Et donc, c’est peut-être aussi une bonne manière de d’imaginer votre assemblée citoyenne avec une logique de porte-voix et de tribune qui peut non pas passer le message d’une personne, mais d’un groupe de personnes qui a délibéré, qui a pris le temps de se construire une opinion et avec une députée ou un groupe de députés qui s’en font les porte-voix via l’Assemblée nationale.

Manuel Ibanez : Est-ce que tu aurais des conseils sur les pièges à éviter ?

Armel Le Coz : Des pièges à éviter sur quoi ? Sur le futur des assemblées citoyennes ? Je pense que vous les avez repérés, c’est de vouloir tout faire, c’est à dire qu’il y a beaucoup de choses possibles à faire avec des assemblées citoyennes. Et c’est un mot dans lequel, deux mots dans lesquels on peut mettre beaucoup de choses, donc, du coup, un des pièges à éviter, c’est d’être finalement trop ambitieux au regard des moyens que vous allez avoir. Et je pense qu’il vaut mieux un exercice délibératif de qualité sur un objet précis que de vouloir en faire trop surtout, et, du coup, un peu noyer les choses et avoir l’expérience déceptive. Donc, je pense que probablement, le principal piège à éviter, c’est celui-là, c’est de réussir à être focus sur un sujet sur lequel vous faites les choses sérieusement, un sujet ou deux ou trois, je n’en sais rien, mais, mais sur lequel vous ne perdez pas trop d’énergie à vouloir trop en faire.

Après, on sait que la démocratie, c’est aussi le temps long et notamment le temps de la loi, c’est le temps long. Là, on vit dans un régime de sorte d’état d’urgence qui n’en finit plus, depuis plusieurs années, depuis les attentats. Et il y a vraiment ce problème. Ce qui est difficile de voir, c’est comment est-ce que dans cette accélération permanente, cette inflation législative, ce un sujet médiatique, une loi, c’est vraiment complexe aujourd’hui de se dire à quel endroit ça peut être nécessaire.

J’ai parlé tout à l’heure du travail en commission. Il nous semble en tout cas qu’il y a une piste à creuser. Il y a des commissions dans lesquelles il n’y a pas beaucoup de textes, il y a des commissions où il y a un gros morceau, je pense à celle du budget, notamment, où il y a un gros morceau au début d’année, mais qui, aussi, peut être très intéressant.

Parce que s’approprier le budget de la France, eh bien, c’est aussi comprendre où vont les impôts des gens. C’est aussi renouer avec le consentement à l’impôt. Et on pourrait imaginer que si on réussissait à s’approprier ce budget, c’est aussi intéressant. Ce sont les logiques aussi d’investissement quand il y a des grandes annonces politiques sur 30 milliards qui sont mis sur la table sans être corrélées à rien du tout sans débat.

Voilà.

On comprend bien que les politiques publiques, elles doivent être financées. Donc chaque commission a des choses intéressantes. Et on se dit quand même que dans ce temps-là où on peut, de la commission, on peut écrire des amendements. Là encore, nous, on ne part pas avec une baguette magique qui va tout révolutionner.

Mais si un jour, un amendement qui est rédigé dans une assemblée locale passe, et ce n’est pas du tout impossible, puisqu’il y a plein d’amendements qui passent tous les jours, y compris proposés par l’opposition, et tout. Donc vraiment, c’est comment est-ce qu’on renoue, peut-être au départ, avec des petits succès qui font grandir, qui redonnent aussi cette envie de travailler au service des lois ?

Quitterie de Villepin : La dernière question que j’ai envie de te poser Armel, peut-être avant qu’on se quitte. Donc j’ai écrit. Je ne sais pas si tu l’as vue passer cette petite tribune dans Libération qui dit : l’autre bataille de 2022, c’est sauver, en gros, sauver le Parlement. Et ce que je pose comme question, c’est de dire, ça ne viendra pas forcément du gouvernement, du futur gouvernement, du futur exécutif national. Aucun exécutif qui arrive dit : « ah, bien sûr, on va accorder plus de temps, plus de moyens et tout », ça n’existe pas. Et comme ça ne viendra pas forcément d’elle et eux, l’idée est de dire, finalement, au fond, cette question elle appartient aussi aux futurs parlementaires. Et ce qui m’impressionne ces derniers temps, ces dernières années, c’est comme, il y a plein de raisons à tout ça, des parlementaires qui siègent quand même dans un endroit important, acceptent de se faire maltraiter, acceptent d’être pressés par le temps à longueur de temps, acceptent d’avoir leurs droits qui leur sont déniés.

Et je me dis quand même, quelque part, c’est marrant parce qu’on n’a jamais envisagé ça, au-delà du rapport de force clanique, en train de se dire, finalement, les parlementaires ont aussi intérêt à avoir les moyens de faire leur travail. Est-ce qu’on ne pourrait pas, d’une part, en tant que, pour les candidates et les candidats, mais aussi pour les citoyens et citoyennes, interpeller les candidates et candidats pour dire : demain, si vous êtes élu, ne passez pas cinq ans de plus comme ça.

Arrêtez-vous de travailler en début de mandat, entamez une négociation. On n’est pas obligé de faire une constituante ou de faire une révision constitutionnelle pour que l’exécutif respecte l’Assemblée.

Je me dis qu’est-ce qu’on peut faire en l’état dans une forme de réalité, pour dire : en fait, non, on pose les stylos, on pose des claviers de vote. Et d’abord, on commence par une phase de négociation.

On demande des délais incompressibles de 6 semaines, de 8 semaines, d’examen des textes, on demande du temps. Il y a toutes ces demandes à formuler. Qu’est-ce que tu penses de cette idée ? Est-ce que ça pourrait devenir au-delà de la campagne que vous portez pour faire gagner la démocratie ? Est-ce que tu penses que ça pourrait être une piste de travail ?

Armel Le Coz : J’ai envie de dire oui parce qu’il n’y a pas de piste de travail interdite. J’ai l’impression aujourd’hui, avec le calendrier électoral et la puissance du gouvernement et d’un président de la République, etc. que, si on n’a pas un exécutif un peu, sans être convaincu à 100%, mais un peu sensible au sujet, ils ont quand même globalement beaucoup de leviers pour faire pression via les partis politiques, avec la logique juste d’être exclu du parti et de ne pas avoir l’investiture la prochaine fois, mais même de ne pas avoir les bonnes commissions, de ne pas avoir l’accès aux médias, etc.

Ils ont tellement de leviers de pression via les partis politiques sur des parlementaires qui leur doivent l’élection, que, c’est compliqué, mais ce n’est pas pour ça qu’il ne faut pas le tenter. J’espère que ça peut marcher. Ce qui est sûr, c’est qu’interpeller les candidats à la députation et donc les futurs députés sur leurs pratiques, leur rôle, le fonctionnement de l’Assemblée elle-même, etc. etc. Ça ne peut de toute façon pas être négatif.

Ça ne peut que les pousser et les aider et les prévenir aussi, pour les nouveaux venus, de ce qui va les attendre potentiellement, peut-être de créer des alliances assez rapidement. Je suis un peu sec sur le sujet, mais avec une inquiétude quand même que si on ne réussit pas à forcer… En fait, tous les systèmes, c’est comme ça, s’il n’y a pas de la pression sur le système, quelque part, il ne bouge pas. Il a plutôt une tendance à rester, à rester relativement stable, c’est de la physique.

Et donc, du coup, il y a aussi une question de comment est-ce que la société civile, comment les citoyens, comment est-ce qu’on refait les gilets jaunes ? Comment est-ce qu’on refait des mouvements de marche pour le climat, etc. qui réussissent à mettre la pression sur le système pour que, du coup, porte de sortie soit des choses qu’on est en train de travailler maintenant et que et que, du coup, l’exécutif et la majorité acceptera de tenter parce qu’ils trouveront ça moins risqué et moins pire que trop de pression sur le système ?

Et donc, c’est comme ça qu’on a réussi à obtenir la Convention citoyenne pour le climat, qui est loin d’être une réussite sur tout, mais qui a permis de faire un précédent de démocratie délibérative qui contribue à cette vague délibérative derrière.

Et donc, du coup, je pense que c’est aussi ça le sujet, c’est comment, est-ce qu’à l’intérieur des institutions, pour ceux qui réussissent à y rentrer, on creuse des voies et des failles, etc. pour que le jour où la pression est suffisante, c’est par là que l’on se dirige. Et il y a aussi la question de comment est-ce qu’on met la pression, nous, la société civile, les citoyens, pour que ce système bouge ? Et donc, du coup, c’est bien d’être aux différents endroits, de toute façon.

Quitterie de Villepin : Je suis d’accord avec toi, je crois qu’il y a un double mouvement. Il y a les citoyens et citoyennes qui vont prendre leur place et leur légitime place à la table des décisions. Mais, je pense aussi que les parlementaires, une fois qu’ils sont élus, ils ne risquent plus grand chose.

Alors oui, ils n’auront peut-être pas le rapport être rapporteur en question de tel ou tel texte. Mais une fois que t’es là, t’es là pour 5 ans. Et donc, du coup, au lieu de subir un jeu qui t’est opposé, qu’est-ce qui t’empêche, une fois que t’es là, puisqu’on voit, il y a beaucoup de parlementaires qui ont quitté leur groupe parlementaire ou alors qui se sont complètement arrêtés ou qui sont en burnout.

C’est une question qui n’est jamais posée : qu’est-ce qui légitime ça ? Pour moi, il n’y a pas grand-chose. Une fois que t’es élu, rien ne t’empêche de créer une mobilisation, de se fédérer, de dire : en fait, non, on ne va pas… C’est comme ça que toutes les conquêtes de droits civiques se sont faites. Toutes les conquêtes aussi sociales. Tous se fait aussi par une mobilisation quand on sort un peu de son pré carré et de ses usages.

Moi, c’est cette question que je pose et je pense que les seuls qui pourront enclencher au sein de l’assemblée de manière très directe au tout début du mandat, une négociation, ce sont les parlementaires nouvellement élus.

Armel Le Coz : Et c’est là que pour répondre aussi à la question de Dominique Filatre dans Facebook, pour moi, ce qui fait que des parlementaires qui aujourd’hui ne sont pas bien dans leur groupe, y restent quand même ou ne font pas le pas d’aller vers autre chose, c’est qu’en fait, il n’y a pas grand-chose qui leur est proposé à côté.

Et s’il y a une offre qui est bien conçue, imaginée de manière intelligente, etc. Pas trop perçue comme dogmatique, qui, par des parlementaires qui ne viennent pas de cette culture-là, de ce milieu-là, etc. Et du coup, ils se disent : ah, en fait, je ne quitte pas pour rien, pour le néant ou pour l’inexistence médiatico-politique, mais pour quelque chose dans lequel, en fait, ça va être intéressant et on va produire des choses, même si on ne va pas être d’accord sur tout, on aura une méthode sur laquelle on est au clair, etc.

C’est vrai qu’il y a peut-être une possibilité que, tu disais tout à l’heure, ça ne va pas forcément se faire dès le début, mais si jamais cette proposition est sur la table dès le début pour que ça arrive plus vite, si jamais il y a le même type de système autoritaire qui s’installe et qui s’accentue dans le prochain mandat.

Quitterie de Villepin : Est-ce que Manuel, Hanieh, c’est bon pour vous ?

Hanieh Hadizadeh : Oui, j’ai l’impression qu’on est sorti de l’assemblée locale délibérative même, pour dire pour aller dans les limites de ce que toi tu peux porter seule et de l’impact que tu peux avoir dans la démarche que tu dois porter et que c’est… Quelque part.

Ça rejoint aussi le plaidoyer de démocratie ouverte qui, pour l’instant est sur les présidentielles, mais qui va aussi ouvrir une séquence sur les législatives. Et je trouve ça vraiment riche aussi qu’à cet endroit-là, vous échangez et que l’on partage aussi ces réflexions-là, pour dire qu’il va falloir créer des groupes de pression.

En tout cas, que les députés doivent être accompagnés comme les citoyens sur cette acculturation-là et sur ces nouvelles formes de démocratie sur lesquelles il y a une maturité.

C’est à dire visionnaire, mais qui arrive trop tôt.

Comment est-ce qu’à différents endroits de la société, il y a cette conscience qui monte ?

Manuel Ibanez : Peut-être que pour rebondir, moi, ce que je trouve vraiment intéressant dans cet échange, c’est où on voit qu’en fait, il y a de l’expérience, il y a plein d’expériences qui se font, qui s’enrichissent mutuellement et donc on ne voit qu’en fait, on avance.

Et chaque nouveau pas qui sera fait, comment il est riche de ce qui a été fait et comment il pose un nouveau pas. Et je trouve que c’est ça qui est assez excitant dans cette démarche-là. C’est à dire qu’on voit qu’il y a effectivement plein de retours d’expériences très riches sur les assemblées citoyennes, notamment sur des sujets précis ou dans des collectivités, à l’échelle de collectivités locales ou de sujets particuliers.

Et là, on voit qu’on a l’occasion de se nourrir de tout ça pour essayer quelque chose qui soit en lien avec l’Assemblée nationale. Donc, là, je trouve qu’il y a vraiment quelque chose d’intéressant et que si on peut continuer ce dialogue, je pense qu’il sera riche.

Et moi, je reste toujours attaché à ce côté, effectivement, que je pense que l’intelligence collective, la facilitation peut vraiment beaucoup apporter et on le voit dans les dynamiques en cours et que là, il y a vraiment, c’est vraiment le moment où on peut apporter un peu ça aussi dans la façon de fabriquer des lois, de concevoir un peu ces questions-là.

Donc, je trouve l’échange fort enrichissant, même s’il y a plein de questions encore qui risquent de venir et d’arriver. Et j’espère qu’on pourra continuer à échanger avec toi Armel, là-dessus.

Armel Le Coz : Évidemment, avec plaisir pour continuer à échanger là-dessus. Et puis, moi, je vais suivre évidemment ce que vous faites et, au-delà de ça, moi, ce que je trouve intéressant, c’est qu’il y a toi Quitterie et toute l’équipe à Paris.

Mais il y a pas mal d’autres candidats, futurs candidats ou qui se posent la question d’être candidats, qui ont l’air d’aller dans cette dynamique-là aussi. Donc, moi, je ne peux qu’inviter et ceux qui hésitent à être candidats, parce qu’évidemment, se présenter à des législatives sans parti politique ou avec ce type de truc-là qui pourraient, à un moment, rentrer en confrontation avec des partis politiques, ce n’est pas évident, mais je pense que c’est le moment d’y aller à fond et de créer une forme de réseau pour que vous vous nourrissiez les uns les autres, et pendant le temps de la campagne et, pour ceux qui seront élus, une fois que vous serez à l’Assemblée nationale.

Quitterie de Villepin : Manuel, est-ce que tu veux me rappeler les rendez-vous ou la manière dont on travaille pour les personnes qui sont en ligne et qui aimeraient rejoindre ce travail-là ?

Manuel Ibanez : Oui, tout à fait, donc, le travail sur cette assemblée locale délibérative liée au mandat de député qui est expérimenté sur la deuxième circo à Paris, il y a une séance de travail par mois, un dimanche par mois. Le prochain, c’est ce dimanche-là qui sera en ligne cette fois-ci, vu le contexte, et on va faire ça jusqu’au mois de juin, pour avancer collectivement à la construction de cette assemblée.

Et on essaye également d’avoir des temps d’audition. On a appelé ça des auditions pour essayer de mieux comprendre, de mieux comprendre le sujet et donc ça, on va en renouveler également entre les séances de travail. Vous êtes bienvenus.

Hanieh Hadizadeh : Les questions continuent. Il y a eu plus d’une soixantaine de commentaires. On n’a pas forcément le temps de les prendre. Martin, notamment, te demande si tu as des noms ou on a des noms d’autres potentiels candidats. Est-ce que ça aussi, cette coalition de candidats qui réfléchissent comme Quitterie ou s’en inspirent se monte ? Il est 21h32. Il va falloir gérer cette frustration-là aussi. Quitterie, peut-être le mot de la fin ?

Quitterie de Villepin : Oui, alors, sur les candidates et les candidats, je pense que c’est super si Démocratie ouverte, comme vous êtes quand même très connectés avec les uns les autres, vous pouvez mettre en lien. Sachant qu’évidemment, on est toutes et tous à fond sur le terrain, en train faire de la mobilisation en train de faire connaître ces propositions et tout. Donc, il va falloir aussi trouver la manière de pouvoir être en lien tout en étant à fond sur le terrain. Et donc, pour moi, c’est une question un peu logistique parce que le rythme est déjà très, très intense. Et donc, il va falloir trouver les moments pour pouvoir partager. Effectivement, dimanche prochain, à 15 heures, on se retrouve sur un Zoom et donc vous pouvez vous inscrire à l’évènement qui est sur Facebook pour accéder à l’inscription qui vous renverra le lien Zoom. Il ne sera pas diffusé en live puisque c’est un moment de travail et d’élaboration.

En revanche, vous êtes toutes et tous les bienvenus et peut être que c’est une opportunité, finalement, qu’on se retrouve en Zoom pour permettre à celles et celles qui sont plus loin ou qui ont d’autres enjeux puissent se connecter. On se retrouve donc le 16 janvier, puis ensuite le 13 février, le 17 avril, le 15 mai et le 5 juin.

Donc, c’est une Assemblée locale de construction par mois et effectivement, des rendez-vous intermédiaires si vous êtes passionné par toutes ces questions, vous pouvez aussi rejoindre l’équipe qui s’occupe de préparer les auditions, mais qui s’occupe aussi de designer les assemblées locales.

En revanche, ça, ça nécessite un engagement sur les six prochains mois, un peu de votre temps. Donc ça, c’est moins l’auberge espagnole, on rentre, on sort. Mais c’est un engagement qui nécessite, quand même une grande durée. C’est ce pôle qui est animé notamment par Manuel.

Merci à toutes et à tous d’avoir été là ce soir. Merci aussi, vraiment, Armel, pour tes retours d’expérience qui nous sont très, très précieux. À chaque fois, on éclaire un peu plus ce qu’on est en train de construire.

C’est important pour nous.

Merci aussi d’avoir porté cette parole auprès de nos amis qui étaient là ce soir. Merci à toutes et à tous d’avoir suivi tout ça. On vous dit à très bientôt. Et, oui, on vous dit à très bientôt. Ou par Zoom. Et peut-être bientôt, même en physique. On va bientôt ouvrir une permanence de campagne où, si vous êtes dans les parages, on serait vraiment heureuses et heureux que vous passiez nous dire un petit bonjour. Et puis, qu’on puisse continuer ces échanges en vrai dans le réel, dans la vraie vie, à très vite et à très bientôt. Merci Manuel, merci Hanieh et merci beaucoup Armel. Merci à vous. Bonne soirée !