Dans cette vidéo, Quitterie de Villepin et Delphine Bagarry discutent du mandat de députée aujourd’hui et demain : quels freins, quelles ambitions, comment faire mieux ?
Tout au long de cet échange très riche, une question centrale : comment prendre soin de la démocratie et renouer le lien entre les citoyennes et les citoyens et la politique.
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Quitterie de Villepin : Ce projet qui est aujourd’hui une utopie, qu’on aimerait beaucoup réaliser, c’est de créer une sorte de mandat parlementaire qui relierait une députée, un député à une assemblée locale délibérative où les habitantes, les habitants d’une circonscription se réuniraient pour délibérer sur les lois et donc renouer avec la vie politique, la compréhension des grands enjeux, etc.
Et en fait, on s’est dit qu’on avait vraiment besoin d’échanger avec toi pour qu’on puisse construire et se mettre dans une dynamique de construction de cette assemblée locale, dans le réel de ce qu’est un mandat parlementaire. Une assemblée locale délibérative, aujourd’hui, les assemblées locales, il y en a plein, plein qui émergent dans des villes et ailleurs. La Convention citoyenne pour le climat est une assemblée locale, enfin, une assemblée.
Et donc, tous ces dispositifs existent, mais en fait, aucun n’existe vraiment tout au long d’un mandat parlementaire. Et c’est ça qu’on cherche à faire. Et on s’est dit que tu pourrais vraiment nous être d’une grande aide pour comprendre le réel du mandat. Et donc, du coup, à quoi pourrait se raccrocher cette assemblée locale ?
Merci d’être là, on a préparé quelques questions après t’avoir rencontrée. Et on laissera évidemment toutes les personnes qui sont là connectées ce soir pour poser les questions, qu’elles soient d’ordre de fond, mais aussi de forme, le rythme de la vie à l’Assemblée, c’est vrai qu’on ne perçoit pas, en tant que citoyenne et citoyen, tout le travail et toutes les missions qui sont très diverses et beaucoup plus multiples que ce qu’on peut imaginer de l’extérieur.
La première question, c’est : donc, toi, ton parcours de députée a été particulièrement riche avec l’exercice de ton mandat au sein d’un groupe majoritaire. Ensuite, tu as rejoint un autre groupe EDS, Écologie, Démocratie et Solidarité, qui était un groupe minoritaire. Et, enfin, aujourd’hui, sauf si mes informations ne sont pas justes, mais tu es non inscrite.
Peux-tu nous expliquer les différences entre ces trois statuts de députés ?
Même si tu es députée, représentante de la nation, qu’est-ce que ça change, en fait, d’être dans un groupe majoritaire, dans un groupe avec 15 personnes ou 17 ? Et puis, qu’est-ce qui se passe quand on est non-inscrite ? Est-ce qu’il y a des changements en termes de moyens humains et financiers, en termes de temps de parole, de vote ? Éclaire-nous sur ces questions.
Delphine Bagarry : Alors, premièrement, je vais peut-être commencer par le début, c’est à dire le rôle du député, parce que, de fait, on ne sait pas trop. Et puis moi non plus, je ne savais pas trop ce que j’allais faire. Je pensais que ma vie était faite pour voter des lois, pour proposer des lois éventuellement. Eh ben non, il n’y a pas que ça. Et loin s’en faut.
Le premier rôle, effectivement, et qui est le plus visible, c’est de voter des lois, de proposer des améliorations sur les lois qui nous sont proposées.
Alors, proposées, soit par le gouvernement ça s’appelle un projet de loi, soit par d’autres députés, ça s’appelle une proposition de loi.
Du coup, effectivement, celui qui est le plus visible et le plus compris est sur lequel les gens sentent qu’on est le plus engagé, c’est là-dessus.
La deuxième chose en fait, un député, une députée en l’occurrence, n’est pas fait que pour ça.
Le ou la députée doit pouvoir aussi contrôler, mais aussi évaluer les lois qui nous ont été proposés à nous-mêmes ou qui ont été proposées lors de mandatures précédentes, selon le sujet.
Et ce rôle de contrôle et d’évaluation, même s’il est très important, nous laisse peu de temps parce qu’en fait, l’activité législative est tellement dense que c’est difficile de pouvoir nous consacrer là-dessus.
Mais on le sait, et c’est des fois beaucoup critiqué. D’ailleurs, les lois se succèdent, les lois qui sont les unes sur les autres et qui viennent changer des dispositions des précédente lois, parfois, alors, qu’on n’a même pas évalué cette loi-là.
Et je pense que cette activité-là des députés n’est pas assez renforcée pour plusieurs raisons, parce qu’il y a une activité législative qui est très dense et la deuxième raison, c’est qu’on n’a pas non plus de moyens, ni à l’Assemblée nationale en termes d’administrateur, ni même en moyens propres de collaborateurs, pour pouvoir le faire.
Donc, je voulais insister là-dessus, et en même temps, on est députés, représentants d’une population, en l’occurrence, moi, d’un département, d’un département qui est assez grand, mais qui est finalement avec une population très peu dense et donc très, très large.
C’est aussi le travail en circonscription. Qu’est-ce qu’on fait en circonscription quand on y retourne ? Le travail ne se passe pas que dans la construction ou l’évaluation de la loi. C’est aussi un travail de représentation.
Du coup, puisqu’on est les interlocuteurs de différentes instances. On est des interlocuteurs privilégiés, des préfets, par exemple, des préfets qui nous demandent notre avis.
Comme on représente les citoyens qui nous ont élus. Les préfets nous interpellent.
On est aussi à l’écoute de citoyens, d’associations, de collectifs qui peuvent être des, des questions individuelles ou des questions d’ordre plus général collectives.
Je pense, par rapport à des syndicats qui nous interpellent sur des lois à venir ou et qui peuvent nous proposer aussi des améliorations.
Et ce travail-là, on lui donne un petit peu le temps qu’on veut. Parce qu’en fait, on est très, très libre. On est très libres de notre emploi du temps. Et si on a envie de passer un peu plus de temps en circonscription, on peut, un peu plus de temps à Paris, on peut. Il faut savoir qu’il est impossible de pouvoir être en hémicycle, en commission, de partout, tout le temps, parce que l’activité est trop dense.
Alors peut-être que le système est mal fait. Il faut peut-être réfléchir à ça, mais il est matériellement impossible d’être à Paris et en circonscription en même temps et d’être tout le temps dans l’hémicycle.
Sinon, on dort plus, on mange plus. Et puis surtout, on ne fait pas notre travail, tout notre travail d’auditions, notre travail d’aller se renseigner d’informations que l’on peut avoir, et puis le travail simplement législatif, de comprendre comment est fait un texte et donc on y reviendra si vous voulez, mais c’est très dense et finalement, on fait un petit peu comme on veut, et selon les priorités, selon les compétences, l’expertise et ce qui me paraît important et à la circonscription et à nous-mêmes de faire, voilà.