Delphine Bagarry et Quitterie de Villepin échangent sur la façon de réparer la démocratie et de renouer la confiance à partir de l’expérience concrète d’un mandat à l’Assemblée nationale.
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Quitterie de Villepin : Pour revenir au projet que nous portons, notamment dans cette campagne, donc, c’est vraiment créer une assemblée locale délibérative, un dispositif, ça, c’est la méthode.
Le fond, c’est, comme c’est une candidature hors parti politique, on n’a pas de programme, mais on a quand même une boussole commune qui serait de tenir la parole de la France dans ses grands engagements internationaux.
Je parle des accords de Paris. Je parle aussi des 17 objectifs de développement durable.
Comment ? Comment toi, tu vois quel regard tu poserais sur une initiative qui essaierait de réparer le lien entre les citoyens, les citoyennes et l’élaboration de la loi ? Quel regard tu portes là- dessus ? Est-ce que tu as vu aussi, d’ailleurs, dans le mandat d’autres initiatives qui essayent de réparer ce lien entre les élus, entre les citoyens, mais aussi vraiment sur cette loi qui, finalement, est notre maison commune ?
Delphine Bagarry : Alors, je trouve ton projet extrêmement intéressant, sachant que l’assemblée locale, quelle qu’elle soit, il est difficile, il est difficile qu’elle soit représentative de toute la population que tu peux représenter.
C’est une chose.
La deuxième chose, c’est qu’elle ne peut pas travailler sur tout sur tout ce qu’on fait.
Même moi, député, je ne peux pas travailler sur tous les sujets. Quand on est commissaire aux lois, on s’occupe de des projets et des propositions de loi qui sont dans la commission.
Bien entendu, tu t’intéresses au reste. Parce que quand tu t’intéresses à l’IVG, aux droits des femmes, etc. tu vas un petit peu aller voir cette loi, mais tu ne peux pas, tu n’as pas le temps matériel de t’occuper de tout.
Du coup…
Quitterie de Villepin : Je te coupe une seconde, je pense que c’est important de rappeler, je ne sais pas si ce chiffre est juste, mais à l’Assemblée nationale, il y a 300 lois par an. Est-ce que ce chiffre est juste ?
Delphine Bagarry : À la louche, ça doit être ça. Écoute, je n’en sais rien.
Quitterie de Villepin : Tu n’as pas compté ?
Delphine Bagarry : Sachant qu’il y a des lois qui sont plus petites avec un article et des lois qui sont pléthoriques, comme la loi qui va arriver, là, sur la décentralisation qui fait plus de 120 articles, donc forcément qui touchent, qui va demander plus de temps ?
Oui, et donc, je pense que c’est une bonne idée. C’est une des manières de remettre, de renouer de confiance, renouer la confiance entre les députés et les citoyens. Ce n’est pas la seule. Ce n’est pas la seule.
Parce que moi, je considère que quand j’ai une loi sur l’agriculture, un budget, sur l’agriculture et que je vais aller voir ma chambre d’agriculture, même si je suis pas tout à fait d’accord avec eux et que je peut-être, je ne porterai pas les amendements qu’ils me proposent, je considère que c’est aussi renouer de la confiance parce que on est là dans de l’information, parce que des fois, on va informer, on dit : « attention, tu sais qu’il y a une disposition là, dans la loi qui va t’intéresser ou qui va être défavorable, il va falloir peut être un petit peu se battre » et de même la chambre d’agriculture, qui représente quand même les agriculteurs de mon département, pourra me dire : « Attention Delphine, là, on n’est pas content parce que tu as voté si ou tu vas voter ça. »
Donc, la confiance, c’est aussi pouvoir informer, pouvoir écouter et pouvoir éventuellement porter des sujets ensemble. En revanche, avoir des moyens de délibération ensemble sur un sujet, c’est très important.
Maintenant, il faut choisir les sujets.
Tu as choisi, toi, effectivement, d’orienter sur les ODD, les ODD, c’est applicable à tout, à toutes les décisions, y compris des décisions qui ne sont pas des décisions de lois. On peut parler d’une circulaire, d’une circulaire ou d’un arrêté municipal, ou d’un préfet, etc. Et ça, on peut aussi le voir par ce prisme-là.
Après, c’est vous qui allez certainement le décider ensemble, collectivement, dans cette assemblée-là, je pense qu’il faudra quand même se dire quels sont, sur quels sujets on va travailler.
Peut-être pouvoir s’autosaisir de certains sujets, les projets de loi on sait à peu près, on le sait à l’avance ceux qui vont tomber, etc. La loi climat, on savait que ça allait tomber. Voilà, il y avait eu cette convention citoyenne pour le climat, on voyait coller les propositions et on savait qu’il y allait…
On pouvait travailler en amont et auditionner des experts et se faire déjà une idée.
Et voilà, on sait à peu près ce que contiennent les lois parce que les médias en parlent, etc.
Du coup, peut-être se fixer des objectifs qui peuvent être peut-être trimestriels, je n’en sais rien. Ou se dire, tiens, moi, je sais qu’il y a cette loi, peut-être on va travailler dessus. Et peut-être travailler comme ça, ça me semble intéressant, mais ça ne peut pas être que ça, parce qu’une fois de plus, la députée est cette courroie de transmission entre les citoyens et entre les autres, entre ceux qui sont d’accord avec toi, entre ceux qui ne sont pas et aussi pour faire la connexion avec ceux qui ne sont pas d’accord avec toi. Et ce rôle-là, il est déterminant, je crois.
Cette écoute et cette information, ce canal qu’on peut avoir de l’un à l’autre, est déterminant dans son rôle, la façon dont on peut exercer son mandat. Et de confiance.
Quitterie de Villepin : C’est vrai que quand tu parles notamment de la Chambre d’agriculture que tu vas voir et tout, en fait, ce qui me passionne dans cette idée d’assemblée locale délibérative, c’est de dire qu’il y a des sujets qui méritent d’être mis sur la table autour, et t’as raison, forcément, ce n’est pas tous les habitants et les habitantes d’une circonscription, mais un peu dans l’espace public, sur le territoire aussi pour faire du lien entre les acteurs locaux et ces citoyens qui ne sont pas forcément sur un sujet, puissent entendre ce qu’ont à dire les différentes parties prenantes sur un sujet.
Et ça, je trouve que c’est aussi une grande, ce serait une grande avancée, une grande chance que ces dialogues-là, il se fassent aussi devant eux et avec eux pour les raccrocher, y compris sur les thématiques où ils n’auraient pas forcément d’appétence ou plutôt ou de la colère ou de l’apathie complètement, tout à fait. C’est intéressant ce que tu dis sur l’auto-saisine, ça veut dire que là aussi, c’est une capacité d’initiative des habitants, des habitantes sur certaines lois, on sait qu’il y a des lois qui n’intéressent pas grand monde, même si ça régit quand même toutes nos vies.
On n’est pas encore dans ce stade. On n’a pas encore mis les ingrédients de cette assemblée à ce stade, on travaille là en ce moment et ça fait partie de notre échange de ce soir.
Quels ingrédients on va choisir ? Quelles vont être les missions de cette assemblée locale ? Est-ce qu’elle va être vraiment sur la délibération sur certaines lois ? Est-ce qu’elle pourrait, par exemple, se rattacher au travail qui se passe dans les commissions, dans une commission ou dans laquelle serait la parlementaire ? Ou est-ce qu’au contraire, ce serait plus de l’évaluation ?
C’est vraiment, je pense, quelque chose qui pourrait être très intéressant aussi pour évaluer avec le réel des habitants et des habitantes leur ressenti aussi sur la loi, ce qu’elle a provoqué chez eux, y compris en se nourrissant des évaluations nationales.
Ça pourrait être aussi vraiment très intéressant.
On va préciser ça dans les prochains mois, dans les prochaines semaines et les prochains mois, au fur et à mesure.
Et c’est aussi pour ça qu’on documente nos travaux au fur et à mesure pour pouvoir le partager à d’autres parlementaires de la future, de la future Assemblée.
Et donc, du coup, nous n’hésiterons pas à t’envoyer ce qu’on a trouvé, en tout cas, comme type d’ingrédients. Et si ça peut aussi être utile à d’autres, ce serait vraiment génial.
Delphine Bagarry : Si je peux, juste un petit exemple aussi on peut provoquer des débats, j’en ai provoqué des débats sur le CETA, notamment. Sur le CETA, j’avais, mais vraiment je n’étais pas je n’avais pas d’idées préconçues sur le CETA et ce que j’avais… Donc, j’avais des gens qui me disaient « il faut y aller », d’autres qui me disaient « surtout pas ».
En fait, ce que j’avais fait, c’est que j’avais provoqué un débat en circonscription entre des pro CETA et des anti CETA, et avec des experts, il y avait des experts, une table ronde avec des experts ou des citoyens, tous les citoyens étaient conviés aussi, évidemment, vont dans ces débats-là que les citoyens qui sont peut-être plus intéressés à la chose.
Mais c’est aussi intéressant de pouvoir faire ça, et ça, ce sont des choses qui pourront se faire de toute façon au sein de votre assemblée locale.
De toute façon, c’est ce qu’il faudra faire, voir les pour, les contre et pouvoir se faire une idée après et voter en conséquence. Voter en conséquence, je trouve, c’est exactement typiquement le…
C’est exactement le ressenti, ce que tu racontes là, cette histoire-là, c’est aussi, en tant que parlementaire, se nourrir, y compris des débats qui ont lieu à l’assemblée, en commission, mais aussi de ce qui émerge sur le terrain de la discussion, des dialogues…
Je trouve ça aussi vachement riche, en fait, parce que du coup, quand tu prends la parole dans l’hémicycle, tu portes aussi voilà, cette conscience aussi du réel, de la prise en main de ce sujet par tes concitoyens et concitoyennes.
Je trouve ça encore plus fort.